Basé sur son court Heck, le titre du premier long-métrage Skinamarink de Kyle Edward Ball renvoie à une ritournelle préscolaire populaire des années 70. Mais c’est surtout pour nous replonger dans l’ambiance sonore de notre enfance où, après s’être réveillé d’un cauchemar, on pouvait entendre le téléviseur diffuser seul en pleine nuit.
Sans véritable narration, le film explore les couloirs et recoins sombres d'une maison où deux enfants se font entendre. Leur père semble avoir disparu dans la nuit, et bientôt, des événements étranges se produisent.
La caméra scrute la noirceur des pièces de la maison. Une porte se ferme. Une couverture vient de bouger. Sommes-nous témoins d’une manifestation paranormale ou s’agit-il simplement des personnages entendus hors champ? La production canadienne Skinamarink, présentée en première mondiale à Fantasia, est une expérience exigeante, parfois même exaspérante, mais ô combien terrifiante. Dans un style hyperréaliste et minimaliste, le montage propose une série de plans la plupart du temps fixes, qui s’attardent sur l’espace plutôt que les acteurs, et ce, pendant 100 minutes.
Sorte d’antithèse found footage aux récents Host et autres Paranormal Activity, le résultat déstabilise alors qu’on comprend au fil du temps que la structure ne sera pas celle du film de hantise classique. Sous-éclairées (avec une précision redoutable), les images sont traitées comme une vieille pellicule VHS (le récit se déroule en 1990) et le grain prend en intensité pour faire fourmiller les tonalités de noir. À force d’insister à filmer l’obscurité, notre esprit s’attend à voir surgir un fantôme à tout moment et c’est ainsi que Skinamarink joue avec nos nerfs. L’aspect aride de l’expérimentation, si on l’accepte, devient alors en quelque sorte le moteur du film de fantôme atypique, qui avec son caractère imprévisible réussit à nous livrer une poignée de scènes carrément terrorisantes, que ce soit à l’aide d’une poupée Barbie en suspension ou encore avec cette voix désincarnée qui chuchote des atrocités.
Le travail audio est d’ailleurs remarquable. Les sons des gestes et des voix en dehors du cadre sont magnifiés pour faire travailler notre imaginaire et contribuent grandement au climat de malaise qui nous tient pendant la totalité du métrage. En ce sens, la dernière scène glace le sang en nous envoyant au lit pour une nuit blanche assurée.
Skinamarink est le genre d’exercice qu’on déteste ou qu’on embrasse. À ce point-ci, vous aurez compris dans quel camp on se trouve. À regarder seul, dans le noir et avec le volume au maximum.
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