Issue d’un projet Frontières, la production canadienne My Animal est une bête différente dans le paysage du film de lycanthrope. Tourné dans un petit village ontarien, le premier long métrage de la cinéaste Jacqueline Castel séduira à coup sûr les fans d’ambiances visuelles travaillées et de sonorités new wave, mais peut-être un peu moins les cinéphiles à la recherche d’un carnage sanglant.
Heather cache plusieurs secrets. En plus de s'intéresser aux sports traditionnellement réservés aux hommes (la lutte pour une raison, le hockey pour une autre), l'adolescente est visiblement attirée par les femmes. Quand la séduisante Jonny débarque dans son patelin, le monde d'Heather bascule littéralement. Mais c'est d'autant plus compliqué de tenter de vivre une vie normale lorsque d'autres changements s'opèrent dans son corps avec l'arrivée de la pleine lune.
Ce n’est pas la première fois que le mythe du loup-garou sert de sous-texte à un récit initiatique (Ginger Snaps, Twilight), mais il faut avouer que l’angle queer, mais surtout le traitement visuel excessivement léché de la production, procure énormément de sang neuf au sujet. Ça fait du sens, finalement, que Jae Matthews, l’une des deux moitiés du band Boy Harsher (voir The Runner), ait pondu le scénario: My Animal se consomme comme un long vidéoclip synthpop à la fois séduisant et inquiétant. Gros plans sur la lune, éclairages rouges saturés, ambiances sonores envoutantes, le résultat fait définitivement davantage appel aux sens. La formation américaine signe d’ailleurs la trame musicale à travers le génie créatif d’Augustus Muller.
Ce n’est toutefois pas au détriment du développement du récit, qui traite du sujet de l’acceptation de soi de manière sensible. La relation qui s’établit lentement, mais sûrement entre Heather (Bobbi Salvör Menuez) et Jonny (Amandla Stenberg, Bodies Bodies Bodies) rappellera à quiconque — ou peut-être particulièrement aux gens issus de la communauté queer — ses premiers amours adolescents. La présence des deux actrices est certainement à noter parmi les points forts de la production tellement elles irradient l’écran. Stephen McHattie (Pontypool) et Heidi von Palleske (Dead Ringers) sont également à souligner dans leur rôle de parents torturés, qui procurent plusieurs moments émouvants à l’ensemble, particulièrement à travers le lien père-fille. Le scénario de My Animal parvient en effet créer une dynamique familiale dramatique crédible, mais plus important encore, il construit avec le personnage de Heather un portrait convaincant d’une jeune femme lesbienne, qui évite tous les clichés du genre.
My Animal n’est toutefois pas sans accrocs. Le traitement de cette idylle entre les deux amies stagne quelque peu à mi-chemin, tandis que la dernière portion du long-métrage paraît souvent précipitée. La halte que la production a dû effectuer avec l’arrivée de la COVID-19 lors du tournage y est certainement pour quelque chose et dans tous les cas, on salue l’équipe d’avoir pu boucler le projet dans ces conditions difficiles. Il faut néanmoins avouer que pour un film de loup-garou, certains dénouements manquent de mordant.
Autrement, si vous êtes sympathique à une expérimentation hautement atmosphérique et stylée sur la recherche de l’identité, My Animal saura vous séduire, et peut-être même vous arracher le cœur.
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