Eight Eyes, présenté en première mondiale cet été à Fantasia, est le premier long-métrage d’Austin Jenning et la toute première production de Vinegar Syndrome Pictures, pilier bien connu de la distribution et restauration du cinéma de genre.
Cass et Gav, deux Américains, viennent tout juste de se marier et partent en lune de miel en Serbie; quelle bonne idée! C'est dans cette ex-Yougoslavie en décrépitude que le couple fait la rencontre d'un personnage bizarre qui se fait appeler Saint-Pierre. Peu à peu, cet énergumène prendra de plus en plus de place dans la lune de miel des deux amoureux, jusqu'au moment où Gav disparait, supposément battu par Saint-Pierre. La femme visitera la demeure délabrée de la famille de l'homme et découvrira toutes les merveilles de l'hospitalité serbe.
Surtout connue dans le monde cinématographique pour des films chocs tels que A Serbian Film ou The Life And Death of A Porno Gang, la Serbie est un endroit trop peu exploité au cinéma et le réalisateur Austin Jenning a eu la bonne idée de la mettre en valeur dans son incroyable et psychotronique film Eight Eyes. Tourné entièrement dans un 16mm poisseux et texturé, la Serbie et la Macédoine deviennent ici presque des personnages à part entière. Usine désaffectée, appartements crades et remplis d’objets étranges ou encore un café internet où trainent des locaux au regard blafard, les paysages de la production ne sont peut-être pas toujours enchanteurs, mais ils ajoutent beaucoup de caractère et de crédulité au film.
Certains passages sont également tournés en 8mm noir et blanc. En effet, Gav est un vidéaste amateur qui se promène partout avec sa vieille caméra. En filmant divers moments de son voyage, il prétendra qu’il ne sait pas vraiment s’en servir convenablement, une inhabilité créant un parallèle avec le regard des Américains face à un pays et son peuple qu’ils ne peuvent tout simplement pas comprendre. Et ce ne sera pas le mystérieux et inquiétant Saint-Pierre qui l’aidera à mieux apprécier les subtilités géopolitiques de la région! Souvent imprévisible, ce dernier entre parfois dans une grande colère et se lance dans une envolée lyrique quasi insaisissable.
Signalons-le ici, Eight Eyes est quelque peu cryptique, rempli d’images de montres, de gros plans sur les yeux et de caméras d’un autre siècle. Le film est complexe, mais la plastique et l’ambiance générale nous convainquent d’adhérer au projet. De plus, la production est sublimée par une trame sonore parfaite, signée Morricone Youth, qui colle on ne peut mieux à l’esthétisme très 70’s de l’oeuvre.
La première partie est moins convaincante. On y trouve peu de développement de personnage ou d’explications quant à leurs motivations. De son côté, le dangereux Saint-Pierre est difficile à suivre. Pourquoi choisit-il ce couple? On l’ignore, et ce n’est peut-être pas important. Toutefois, la deuxième partie est tout simplement jouissive et angoissante à fond. On a l’impression d’assister à une relecture serbe de The Texas Chain Saw Massacre alors que Cass se retrouve prisonnière de la demeure de Saint-Pierre et les membres de la famille qui y habitent sont tous grotesques et troublants. On pense entre autres au petit frère de Saint-Pierre, un homme obèse et nu portant un masque menaçant couvert de cire fondue qui pourchasse la pauvre femme dans la maison. C’est un réel cauchemar sur pellicule. De merveilleux effets volontairement ringards de lasers et de lumières viennent nous exploser les rétines durant cette partie.
Eight Eyes est un réel ovni qui s’avère franchement rafraichissant. On peut lui reprocher ses protagonistes un peu inintéressants et à la dynamique étrange ou encore sa première partie un peu molle, mais le film explose littéralement durant sa seconde moitié. Un petit coup de cœur pour notre part!
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