Cette année, dans le cadre du FNC, les cinéphiles ont l’occasion de prendre part à V F C, une expérience cinématographique complètement unique et novatrice, où le réalisateur C.S. Roy (producteur de Les Affamés) allie la technologie de captation audio à l’analyse de l’activité cérébrale du public afin de rendre une expérience de cinéma personnalisée pour tout un chacun. Une idée qui semble relever de la science-fiction, mais qui fonctionne tout à fait, repoussant ainsi les limites de l’immersion et de l’appréciation d’une oeuvre.
Les spectateurs, une fois assis dans la salle, sont invités à enfiler un casque EEG, qui analysera en temps réel leur activité cérébrale, ainsi qu’une paire d’écouteurs à conduction osseuse, où le son est généré par les vibrations sur la tempe de chacun. Le public entend donc le même audio provenant de la salle de cinéma, mais chaque personne reçoit des éléments sonores différents, accentuant certains éléments, produisant une musique adaptée au ressenti individuel.
L’expérience est complètement unique, et le film proposé par C.S. Roy afin de présenter la technologie, bien qu’imparfait, parvient tout de même à communiquer le potentiel immersif de l’idée. Après la séance, en discutant avec d’autres personnes ayant participé à l’expérience, il était possible de comprendre que chaque personne n’avait pas ressenti le film de la même façon. Cependant, dans ce cas précis, les changements notés n’auront pas été assez différents pour réellement modifier l’appréciation de V F C. Certaines compositions étaient parfois plus intenses chez l’un, alors que l’autre vivait au même moment une expérience plus atmosphérique, éthérée.
Après le visionnement, chaque participant·e reçoit un document contenant l’analyse de l’activité cérébrale pendant le film. Parmi les informations reçues, on connaîtra notamment les scènes et les personnages ayant le plus capté notre attention. Les résultats sont assez approximatifs (je ne me souvenais plus du fameux moment qui, selon l’application, m’a le plus marqué), mais la technologie en étant encore à ses débuts, on excuse quelques erreurs. Peut-être que l’expérience n’est pas encore au point, mais il s’agit tout de même d’une avancée technique qui modifiera probablement certains aspects de l’avenir. On pense par exemple aux productions qui, souhaitant tester leur oeuvre sur un public afin d’en connaître le potentiel, pourront simplement utiliser cette technologie afin de voir définitivement ce qui fonctionne ou pas dans un film. Une idée qui peut être intéressante si elle ne tombe pas entre de mauvaises mains.
Si le concept derrière l’essai est complètement unique et promet de réelles avancées, c’est malheureusement l’oeuvre proposée en trame de fond qui nuit à l’expérimentation. V F C, porté par l’artiste musicale Elisapie Isaac, qu’on découvre pour la première fois comme comédienne, n’est pas à la hauteur de l’idée qu’il défend. Si l’intrigue sur cette chercheuse en neurosciences, exposée à une pièce musicale étrange qui modifie son comportement, a un certain lien avec l’expérimentation sonore, le produit final est beaucoup trop obtus, expérimental et confus. Casque EGG ou pas, l’immersion est rendue difficile par un film dont la mise en scène est beaucoup trop intellectualisée. Les ressorts du cinéma d’horreur, utilisés afin de générer des réactions au cerveau qui seront ensuite analysées par le casque, sont une bonne idée, mais l’intrigue en soi ne captive pas assez pour que le résultat en soit concluant.
Afin de rendre l’expérience plus complète, il aurait été bon d’opter pour une oeuvre plus simple, répondant davantage aux codes connus par le public. De cette manière, l’analyse cérébrale aurait probablement été plus probante. Il est également dommage, comme il s’agit d’une expérience individuelle, de ne jamais être conscient de l’étendue des possibles au moment où on consomme l’oeuvre. Par exemple, il serait intéressant, pendant qu’on vit un moment de plus grande intensité, de savoir que notre voisin de siège, lui, est en train de vivre une atmosphère sonore complètement différente.
Chaque personne dans la salle a vécu une expérience unique et personnalisée, et l’expérience fait ses preuves. Espérons seulement que le procédé soit repensé dans un processus encore plus immersif, qui allierait mieux l’intrigue à la technologie utilisée.
V F C est présenté à nouveau le dimanche 15 octobre au FNC.
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