Le cinéaste Alain Guiraudie (L’Inconnu du lac) multiplie les contes philosophiques et met souvent de l’avant le sort des ouvriers et la sexualité refoulée en y injectant son lot de malaises. Miséricorde, présenté à Cannes, puis maintenant au FNC, nous est vendu comme une sorte de polar et s’est depuis taillé toute une réputation. Cette dernière a été validée par la présélection du film pour représenter la France aux prochains Oscars.
Alors qu’il revient dans son ancien petit village campagnard pour assister aux funérailles de son ancien patron, un jeune homme s’incruste dans les environs et sème une confusion des sentiments chez les habitants qui aboutira à un meurtre.
Jusqu’à quel point l’être humain peut faire fi du drame pour tenter de satisfaire ses envies? Cette relecture du classique Teorema de Pier Paolo Pasolini, également scénarisée par Guiraudie, accouche d’une véritable petite mine d’or, où le public pourra s’amuser à déterrer ses lingots tout en grinçant des dents.
Une fois le canevas du cinéaste italien mis en place, on n’en expose pas moins le contraire. Ici, l’obscur objet du désir apportera la noirceur aux acteurs de la trame au lieu de les mener à une épiphanie spirituelle. Difficile aussi de ne pas penser à Chabrol avec ce décor champêtre, ces personnages impossibles à percer et cet assassinat. Cependant, l’artiste nous fait vite comprendre qu’il n’en est rien. Il préfère nous faire pénétrer dans cet antre de l’illogisme, où l’art du dialogue cinglant atteint des sommets.
Derrière une dissection de la banalité des personnages, Guirodie questionne la séduction, si aberrante et absurde, qu’elle fait rire autant qu’elle glace le sang. C’est-à-dire que ce crime deviendra le prétexte à une série de questionnements philosophiques et théologiques. L’attirance deviendra le centre du monde et la rédemption (de là le titre) aura une grande importance. La mise à mort de l’un des leurs n’égalera jamais les pulsions fiévreuses des individus.
La mise en scène de Guirodie trouve sa singularité dans un continuel jeu de regards, où cette envie et soif de l’autre se consume sans jamais réellement être satisfaite. Si le jeune Félix Kysyl (Godard mon amour) et Catherine Frot (Le dîner de cons) jouent avec aplomb, c’est le vétéran Jacques Develay (Ainsi soient-ils) qui surprend le plus dans le rôle de l’abbé. Avec deux monologues inépuisables de sens et de contraintes, l’acteur y trouve possiblement son meilleur rôle en carrière.
En conclusion, Miséricorde est une excellente bouffonnerie macabre qui nous reste à l’esprit plusieurs jours après le visionnement. Vous ne verrez plus jamais la chasse aux champignons du même œil.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.