Un psychiatre tente d’élucider le mystère entourant un auteur suicidaire qui s’est tranché les doigts pour ne plus écrire, ainsi qu'une tuerie ayant eu lieu devant le Stade olympique.
Sur le seuil est un film important pour le Québec puisqu’il présentait une production commerciale d’horreur avec même certains passages plus gore. La démarche était très audacieuse et on y reconnaîtra certainement un jour une aura de film fondateur pour le genre horreur, similaire à ce que Valérie et L’Initiation ont dorénavant pour la sexploitation, ce courant axé sur l’exhibition de scènes sexuelles.
Le film a aussi donné une plus grande visibilité à Patrick Senécal. Plusieurs fans d’horreur se sont mis à lire l’auteur suite à la découverte du film, mais on a l’impression qu’exception faite de 5150 Rue des Ormes, cette première adaptation d’un roman de l’auteur n’a pas motivé les investisseurs à se précipiter sur le genre. C’était d’autant plus significatif qu’une série d’acteurs chevronnés s’étaient invités à la fête.
Qu’en est-il du film en question? Le scénario reste très énigmatique et l’éternelle opposition qu’on dresse entre la science et la religion y est cultivée de manière désaltérante. Bien sûr, on pige dans des poncifs souvent utilisés: le bébé diabolique, le prêtre maudit, le médecin rationnel. Il reste qu’on assume pleinement le côté série B et que ces thèmes plus connus sont ici mis en scène à travers un véritable exercice de style. Là où Senécal cumulait les pages pour nous montrer ce médecin blasé, on doit moins s’étendre au cinéma en faisant pourtant comprendre ce filon essentiel de l’histoire. Michel Côté déambule lentement dans les couloirs de l’institution avec autorité et en bougeant à peine. Il y a ce très beau passage où la caméra le capte en contre-plongée, et où avec une simple image on traduit qu’il est au-dessus de tout. Avec quinze minutes de plus, on aurait peut-être pu élaborer un tantinet sur la psychologie des personnages, mais c’est un bien moindre mal.
La réalisation d’Éric Tessier utilise avec justesse le rythme plus endiablé qu’il doit maintenir. Le cinéaste réussit à traduire l’intériorité de ce médecin désillusionné qui, en fin de carrière, découvre avoir passé sa vie dans le déni du surréaliste. Le roman le faisait sur plusieurs pages, mais la caméra décortique les regards de son héros et traduit en images ce basculement du sceptique pur vers un homme plus crédule. Tessier conduit très bien son suspense en semant des miettes de pain ici et là et propose par moment certains angles de caméra incongrus pour semer le malaise. Le visuel du long-métrage est très travaillé et la direction artistique de l’institut habille une gamme de couleurs pastel qui réfléchit la lumière de manière étouffante. Cette déclinaison des couleurs traduit une certaine froideur et un côté clinique à l’hôpital. Cela donne du même coup des allures fantomatiques à la trame en l’enrobant d’une touche surréaliste. L’assaut final bénéficiera beaucoup de ce décalage de colorations, puisqu’il nourrira l’ambiance apocalyptique de l’endroit.
La distribution cinq étoiles adopte le ton de l’ensemble et les voir vivre ce savoureux cauchemar dans un paysage québécois est excessivement enivrant. Certaines répliques semblent un peu en décalage ici et là, mais rien de très dommageable. Adoptant un ton froid et dégagé, Côté déconcerte par l’impassibilité qu’il transmet à ce médecin saturé. On a tout d’abord l’impression que quelque chose ne va pas, mais là réside son réel talent. Son enquête humanisera lentement le protagoniste et le comédien montrera l’étendue de son registre dans cette très belle scène présentant son personnage craquant dans la chambre du futur bébé de sa collègue. Ayant proposé lui-même les caractéristiques de son personnage d’écrivain maudit, Patrick Huard crève l’écran avec ses cheveux blondis, et ses yeux hétérochromes.
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