Laura aimerait devenir une artiste, mais elle se frappe à la dure réalité des demandes de subventions. Après une nuit torride avec son copain Antoine, un douchebag qui la traite comme une merde, Laura s’aperçoit au réveil des ecchymoses sur son corps. Progressivement, sa peau se nécrose et elle perd ongles et cheveux. Elle prend alors conscience avec horreur qu’elle se décompose. Se refermant sur elle-même, elle sombre lentement dans une folie meurtrière.
Thanatomorphose est une œuvre exigeante qui n’est pas à la portée de tous. En plus d’être assez graphique, le rythme est lent et l’atmosphère est anxiogène. Ainsi, l’entièreté du long métrage se déroule dans l’appartement de Laura (Kayden Rose). À aucun moment notre regard se porte à l’extérieur. Même les rares fenêtres de l’endroit sont masquées ou hors-champ. La dépression dans laquelle s’enfonce la jeune femme est donc fortement ressentie par le spectateur (ce qui en fait un film difficile à voir, surtout en période de post-confinement).
Ces caractéristiques n’empêchent pas que le film d’Éric Falardeau est un objet fascinant et un excellent complément à la lecture de son essai Le corps souillé: gore, pornographie et fluides corporels (L’Instant même, 2019). On reconnait les obsessions du réalisateur qui se pose en digne héritier de David Cronenberg. Le corps de Kayden Rose s’y retrouve caressé, exhibé, pénétré, blessé, souillé, altéré. On assiste à une corruption du corps, mais aussi de l’âme. Il faut d’ailleurs saluer la performance de l’actrice. On peut facilement imaginer que le tournage a été particulièrement éprouvant.
Le film n’est pas sans défaut; on constate certaines maladresses dans l’exécution. Par contre, on y observe aussi plusieurs idées formelles intéressantes. La caméra est organique, l’image ondule, en osmose avec son sujet. Les effets spéciaux impressionnent également, surtout lors de la décomposition finale. D’ailleurs, en plus du célèbre Rémy Couture, on retrouve d’autres noms au générique que nos lecteurs reconnaîtront probablement: Syl Disjonk, Frederick Maheux ou encore Simon Laperrière, avec qui Éric Falardeau a co-écrit l’essai Bleu nuit, histoire d’une cinéphilie nocturne (et ça, c’est sans compter notre rédacteur Marc Boisclair qui a conçu l’affiche).
En résumé, Thanatomorphose est une œuvre singulière et sans concession qui a le mérite d’assumer son propos jusqu’au bout et qui propose une réflexion intéressante sur le temps et la mort.
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