La corruption de propriétés connues est une idée déjà vue et revue. Snow White: A Tale of Terror, Alice de American McGee et Winnie the Pooh: Blood and Honey n’en sont que quelques exemples; des histoires ou personnages bien ancrés dans notre imaginaire collectif, mais tordus, déjantés et horribles. Certaines de ces adaptations s’en tirent plutôt bien, tandis que d’autres se plantent en perdant les éléments essentiels, la balance de familier et de nouveau ne se mélangeant que trop mal avec l’horrible alchimie requise pour le succès. Lies of P est le petit dernier dans cette liste, un jeu vidéo qui présente une version bien sombre, lugubre et sanglante de l’histoire mondialement connue écrite par Carlo Collodi: Pinocchio. S’agit-il d’une réussite cependant, ou d’une lamentable tentative d’user de nostalgie en lieu de talent et de vision?
Dans la ville de Krat, un pantin se réveille. Une rébellion des poupées et automates ayant tué une vaste partie de la population, l'autre ayant succombé à une maladie fort grave s'étant répandue, l'être mécanique non seulement capable de mentir et se battre devra braver multiples dangers. Qu'est-il arrivé dans cette brillante ville, où est son créateur, mais surtout... est-il trop tard pour sauver la situation?
Lies of P se plaçant dans la tradition des jeux appelés «Soulsborne», popularisé par la compagnie FromSoftware, le ton est immédiatement mis non seulement par l’ambiance, mais aussi par un élément fort reconnaissable de ceux-ci: la difficulté. Les développeurs Neowiz et Round8 Studio sont très évidents avec leurs inspirations, autant par les mécaniques que par la jouabilité. Nous retrouvons ici les ressources pour monter en niveau, donc de puissance, aussi utilisées pour acheter de l’équipement, des objets et toute autre chose, chaque achat étant primordial et chèrement payé par sa survie constante par les combats. Lies of P est une expérience forte pour ce qui est du défi qu’il représente, sans merci et demandant que l’on s’adapte plus rapidement qu’autrement.
Le combat étant le pilier principal de l’expérience, il aurait été dommage qu’il soit raté. Par chance, il est dynamique, rapide et même plutôt technique, laissant ainsi la place pour ceux qui veulent changer leurs méthodes et s’adapter si nécessaire. Pour les initiés à ce genre de jeu, Lies of P est très semblable à Bloodborne et Sekiro: Shadows Die Twice, mixant des mécaniques des deux titres pour créer quelque chose de bien tangible. Pour les novices, le combat s’explique tout simplement par une simple métaphore: un habile ballet meurtrier. Les évasions, les blocages et les parades pour non seulement se protéger et faire fatiguer ou rompre l’équilibre de l’ennemi sont tout aussi importants qu’une attaque sans répit. Cela donne un bon poids à l’un des aspects les plus imposants du jeu, ce qui est bien plaisant.
Un bon combat, néanmoins, ne vaut pas grand-chose sans contexte ni même ambiance. Heureusement, Lies of P s’en sort bien pour le premier et très agréablement pour le second. Utilisant une sorte de mixture européenne pour son univers, avec des inspirations tantôt italiennes, puis françaises, il s’agit ici d’une déchéance de la fameuse «Belle Époque», qui s’est interrompue juste avant la Première Guerre mondiale. Les rues de Krat, les alentours, les bas-fonds et les zones industrielles sont couverts de destruction, d’abandon et d’une sorte de désespoir et de violence qui amènent un ton fort oppressant. Lesdits lieux sont le théâtre d’une tragédie sanglante, une cité où l’on peut croire à la prospérité avant la catastrophe, un endroit prospère et charmant qui s’est vu changé par le malheur, la violence et l’horreur. En y ajoutant une histoire qui se développe bien, du contexte et sous texte, des secrets et une toute petite dose d’exploration, il devient fort agréable d’admirer le tout et de se laisser transporter par ces environnements et l’histoire plutôt surprenante du jeu. Remixant des éléments autant du conte classique que de la version Disney, en passant par des idées originales, le mariage permet autant la familiarité que la surprise, mais avec un design en tête derrière tout ça.
Malgré tout, Lies of P n’est pas parfait. Il peut être facile pour les moins curieux de manquer des informations et même des quêtes secrètes permettant de comprendre la totalité des enjeux. Certaines des mécaniques optionnelles du jeu auraient dû être disponibles dès le départ ou du moins beaucoup plus tôt dans l’expérience. L’évasion du personnage est malheureusement très peu utile dans les premières heures du jeu, requérant une amélioration avant d’être un tantinet efficace. La caméra peut aussi devenir bien pire que n’importe quelle poupée sanguinaire vous traquant; la capacité de se bloquer sur un ennemi peut parfois faire en sorte que la vision d’ensemble vous amène dans un coin, obstruant ainsi sévèrement votre champ de vision.
Malgré ces petits bémols, Lies of P reste un très bon titre rempli de bonnes idées, qui ajoute à la fameuse formule rendue populaire par des jeux comme Dark Souls et Elden Ring. Avec ses ajouts originaux tels que la construction de ses propres combinaisons d’armes, une bonne mainmise sur ce qui fait la force du genre, et une ambition qui marche au même pas que le talent des développeurs, ce serait un odieux mensonge de notre part si l’on disait qu’il n’est pas fortement recommandé d’y jouer.
Lies of P est disponible sur PlayStation 4, PlayStation 5, Windows, MacOS, Xbox One et Xbox Series X/S.
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