Il n’est pas toujours évident de jouer la carte de l’horreur sur plusieurs niveaux. Expérimenter avec le gore et les boyaux, la détresse psychologique, amener une tension avec des possibilités et des implications. La terreur peut prendre plusieurs formes et certaines seront plus efficaces que d’autres, l’envers étant tout autant vrai pour celleux qui consomment ladite peur présentée sous plusieurs médias. Avec le jeu Slay the Princess, paru depuis le 23 octobre dernier, cependant, la compagnie Black Tabby Games réussit de manière assez impressionnante une mixture curieuse et pour le moins unique.
Au bout d'un chemin, dans une forêt, se trouve une cabine. Dans la cabine se trouve un sous-sol, dans lequel nous trouverons une princesse. Cette dernière va irrémédiablement mener le monde à sa perte et causer d'irréversibles catastrophes. Il est donc nécessaire qu'elle meure, que quelqu'un la tue. Elle va mentir, manipuler la vérité, se débattre, user de violence, de tous les moyens. Mais elle doit, sans aucun doute, mourir.
Il est difficile de bien critiquer un jeu comme Slay the Princess, pas à cause d’un manque de qualités, mais bien car une bonne portion de son attrait réside dans la surprise et le mystère. La première grande qualité du titre est son écriture, brillamment réalisée et traitant de plusieurs sujets, interprétés vocalement par des gens de talent. Considérant que le jeu est, à la base, une sorte de roman interactif à la manière de la série Un livre dont vous êtes le héros, le contraire aurait été un énorme bémol vu l’importance du texte, mais les thèmes abordés, le ton, la diversité des propos et des expressions rendent le jeu bien vivant, mais surtout intrigant à savoir ce qui pourrait se passer par la suite. Slay the Princess peut être drôle, horrible, tragique ou triste sans pour autant se trahir et se réduire; une maîtrise du ton absolue.
Sans gâcher aucune surprise, le jeu possède une prémisse bien simple, mais sait révéler lentement et avec un excellent rythme narratif sa véritable nature. Le bonheur de s’investir dans une épopée tordue, de se questionner et surtout de découvrir amène une richesse à l’expérience malgré son grand manque d’interaction. Le jeu ne se joue véritablement qu’avec des choix de dialogues, de réponses de notre protagoniste ou bien tout simplement de la direction à prendre. L’ensemble réagira à toutes vos décisions, certaines fois de manière particulièrement inusitée.
Visuellement, Slay the Princess prend vie avec une minime quantité d’animations, la plupart de celles-ci étant très réduites, voire inexistantes. Le rendu visuel n’en devient pas morne pour autant, néanmoins, dû à un style bien particulier et malléable amené graphiquement par des dessins réalisés à la main. Il ne s’agit pas ici de pixels ou bien de modélisation en 3D, mais bien d’une approche qui permet une sorte de minimalisme macabre et pourtant rempli de vie. En y ajoutant une palette de couleur très peu diversifiée et restreinte, la presque entièreté de l’expérience étant en noir et blanc et plusieurs couches de gris, la restriction ici est un atout plus qu’une faiblesse, fait en connaissance de cause.
Nul produit n’étant parfait, quelques défauts sont présents, le premier étant le mixage du son. Bien que la bande sonore, la vocalisation et les effets soient bien réussis, quelques voix auraient bénéficié d’être plus forte que la musique. Des lignes de dialogues, malheureusement, passent en murmure et sont étouffées pendant certains moments; pas assez pour ruiner le tout, mais certainement notable quelques fois. Un autre qui est cependant la nature de la bête avec les titres de ce genre, surtout pour les complétistes, serait la répétition du texte. Bien qu’explorer les possibilités peut être un plaisir en soi, retomber sur des lignes de dialogues et du texte déjà vu peut s’avérer frustrant.
Mis à part ces petits bémols, Slay the Princess est un projet ambitieux dans sa nature, restreint tout en étant expansif et laissant beaucoup de place à l’imagination. L’interaction qu’il propose, les résultats de choix et des branches narratives sont amenés avec confiance et un grand niveau de charisme. À y jouer sans hésiter.
Slay the Princess est disponible sous Linux, macOS et Windows.
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