Le monde des jeux indépendants offre parfois des expériences un peu plus poussées que même les sorties des plus grands studios. Sortant des sentiers battus et beaucoup plus souvent animés par la passion que par un désir de profit plus fort que tout, les développeurs dits «indie» ont marqué mainte fois l’imaginaire avec des idées loufoques, amenant un mix particulier de vieux et de nouveau. On pourrait penser à Shovel Knight, Hades, Binding of Isaac et Stardew Valley comme des histoires à succès dans le domaine, mais avec une explosion de créateurs indépendants, il devient de plus en plus difficile de se démarquer. C’est donc le défi que tente de réaliser le jeu World of Horror de la compagnie polonaise Ysbrid Games: marquer les joueurs.
Dans la ville de Shiokawa, de nombreuses légendes urbaines se dévoilent. Des mystères sanglants déroutent les habitants et un possible carnage se prépare alors que l'ombre d'un grand ancien promet un changement drastique et terrible s'il n'est pas arrêté à temps. Il est de votre rôle de tout élucider et faire cesser ce cauchemar avant qu'il ne soit trop tard...
Déjà, un élément clé que le titre réussit haut la main est le style. Présenté comme un vieux jeu d’aventure sur ordinateur des années 80, les visuels pixelisés en basse résolution sont frappants, sans pour autant sacrifier sur la présentation. Le mangaka Junji Ito (Spirale, Gyo, Tomie) est une inspiration évidente et assumée ici: les personnages, les créatures et même les événements sont largement similaires, sans trop être identiques. Le tout étant présenté en noir et blanc, on pourrait croire que l’expérience ne serait pas trop convaincante, mais la réalité en est toute autre. Une femme à trois visages réunis par un large sourire déchiqueté, un homme avec des trous plein le visage, un tueur blessé et dément: tel est un petit échantillonnage de visuels cauchemardesques que le jeu nous livre avec panache.
Un autre aspect qui s’avère plutôt réussi est l’ambiance. La musique et le texte collaborent de manière plutôt satisfaisante pour donner l’impression qu’un ou plusieurs éléments clochent à chacun des mystères que l’on doit résoudre. World of Horror étant un roguelike, c’est-à-dire un jeu dont la procédure est réalisée de manière semi-aléatoire, mais avec quelques soupçons de progression permanente, on pourrait croire que l’écriture ne serait pas un enjeu en priorité et qu’elle s’avèrerait bancale, comme beaucoup de jeux de la sorte… mais, il n’en est rien. Quoique parfois simpliste dans son style, les récits et étrangetés n’en demeurent pas moins créatifs et intéressants, certains présentant même des finalités différentes alors qu’on doit en résoudre cinq avant de pouvoir chasser l’entité maléfique qui tente de se matérialiser. Avec la bande sonore, complétée à l’aide d’effets rétro ici et là, on croit vraiment jouer à quelque chose d’ancien, ce qui ajoute à l’expérience.
Le gros bémol du jeu, cependant, est son combat. Se définissant comme un RPG (Role-Playing Game pour les non-initiés, ou Jeu de rôle), le jeu comporte des niveaux, des sorts et des compétences à acquérir. Vous pouvez même avoir des compagnons pour vous suivre, vous procurant des bonus pour vos enquêtes. Malgré tout, le combat est étrangement aussi compliqué qu’il peut être ultimement trop simple, au point d’en devenir ennuyant. Même si plusieurs options sont présentes, laissant planer l’intention de profondeur, la vaste majorité de ceux-ci se règle en utilisant souvent les mêmes techniques ou habiletés, en faisant ce que l’on appelle en jargon vidéoludique du spam (répéter le même mouvement/sort ad infinitum). Même si les monstres, obstacles et ennemis sont variés et visuellement frappants, le combat rend ces rencontres plutôt moribondes, ce qui est fort dommage.
Un autre bémol, moins important, mais quand même présent, vient de la structure du jeu. Étant aléatoire dans sa disposition des mystères, il implique qu’on peut plusieurs fois tomber sur exactement les mêmes enquêtes, ce qui peut tuer un peu le sens du renouveau. Malgré le fait que World of Horror récompense adéquatement les joueurs avec de nouveaux personnages, grands anciens, malédictions, énigmes, objets et autres plus on progresse, les débuts peuvent être un peu pénibles si on manque tout simplement de chance. Certains jeux du genre ont fait beaucoup mieux, ce qui devient un peu décevant, considérant que le titre était en accès anticipé depuis 2020.
En somme, World of Horror est un jeu un brin inégal. Très intéressant, ambitieux et certainement mémorable par plusieurs moments, certains défauts l’empêchent de vraiment devenir un classique comme certains autres titres indies. Aucunement mauvais et intriguant sur plusieurs fronts, il reste malgré tout difficile de le suggérer de manière unilatérale.
World of Horror est disponible via macOS, Windows, Nintendo Switch, PlayStation 4 et PlayStation 5.
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