Près de 10 ans après le décès présumé du tueur John Kramer rebaptisé Jigsaw, un groupe de personnes se voit séquestré dans une série de pièges sanglants qui semblent orchestrés par ce psychopathe.
Que l’on adhère ou non au phénomène, la saga Saw s’est imposée comme l’une des plus célèbres et des plus rentables vaches à lait du monde de l’horreur. On peut expliquer cette fascination par l’extrême violence des films, mais possiblement par l’avènement du jeu vidéo, dont la construction est similaire. La gamme de consoles livrent littéralement du cinéma interactif, consommé par un auditoire qui retrouvera ses repères dans cette franchise cinématographique. L’entreprise Saw calque tous les procédés du jeu vidéo depuis ses débuts. Épreuve après épreuve, les protagonistes avancent dans l’intrigue comme s’il s’agissait de tableaux à réussir, mais la plupart des épisodes, mettant en scène ce tueur justicier, font aussi référence au jeu dans l’écriture de leur montage.
À ce niveau, Jigsaw risque de trouver un certain succès. On y reproduit sans différence le même schéma épisodique, ponctué d’un assemblage épileptique. Sans s’avérer nécessairement original, ce chapitre joue davantage avec son montage pour créer un suspense chez le spectateur, qui passe la totalité du film à spéculer sur l’identité et les motivations du (ou des) sadique(s). Il y a ces moments enivrants où les spectateurs chuchotent entre eux et s’amusent à tenter de résoudre le puzzle. C’est comme si les créateurs donnaient un rôle à l’auditoire et que l’oeuvre devenait un quiz.
Inutile de parler du scénario, puisqu’après sept films, le spectateur qui se rendra au cinéma sait exactement que l’intrigue n’aura ni queue ni tête. Le premier film de la franchise multipliait déjà les invraisemblances et ces scénarios outranciers sont devenus une convention entre les films et ses fans; l’objectif n’étant pas le bon sens, mais l’effet de surprise. Le psychopathe est un ingénieur mécanique, un architecte, un lecteur, un philosophe et peut-être même un millionnaire, quand on constate l’ampleur de son œuvre. Vous n’avez besoin de personne pour vous dire que l’histoire ne résiste jamais à l’analyse. Tous les critiques crieront haut et fort que Jigsaw propose une intrigue fade et des dialogues quelques fois risibles, alors que ce postulat devrait être assimilé depuis longtemps. C’est un peu comme quelqu’un qui affirmerait lire le magazine Playboy pour ses articles et se plaindrait ensuite du manque de pertinence de ces derniers.
Si les interprètes jouant les victimes offrent un jeu acceptable, ceux faisant partie du corps policier sont plus limités. La distribution n’atteint en aucun cas les normes de l’Actors Studio, mais elle surpasse toutefois celle de plusieurs opus précédents. Dans un rôle passif et imperturbable, Tobin Bell nous fait comprendre qu’il nous avait manqués, même s’il est parfois comique. Peu importe, en bout de ligne, puisque les spectateurs n’en ont que faire. Jigsaw est un plaisir coupable qu’on savoure par pur voyeurisme, et c’est très bien comme ça.
Néanmoins, si la raison première d’aimer ses longs-métrages se veut les pièges sanguinaires et le dégoût qui en découle, ce huitième opus n’a que bien peu à offrir. Même s’ils sont des plus divertissants, les embûches dans lesquelles le vilain (ou les vilains) place ses victimes manquent de brutalité et de sang. Aucun des meurtres ne mériteraient de figurer parmi le top 10 qu’Horreur Québec vous a présenté pour vous préparer à la sortie du film. Les cinéastes, qui peinent à offrir une véritable signature, ont d’ailleurs choisi d’opter pour une photographie plus sombre, probablement pour aseptiser l’intensité du sang déversé.
Il n’en reste pas moins que si vous aimez les torture porn, Jigsaw vous amusera sans limite. Il est très rare de voir un film d’horreur “sérieux”, proposant des scènes aussi insondables (même s’il s’agit d’un des épisodes les plus gentils), prendre l’affiche à une échelle aussi étendue: il faut en profiter. Le long-métrage remplit entièrement son contrat et reste pleinement satisfaisant pour qui assume ce qu’il est en train de regarder. Parfois, le plaisir peut l’emporter sur la qualité. On aurait voulu ressentir la douleur des personnages qui traversent les trappes, comme on l’avait fait entre autres lors du dernier Saw 3D, mais jamais on ne regarde sa montre. Sans être le meilleur ou le plus sanglant des volets, Jigsaw n’est certes pas le pire.
http://https://www.youtube.com/watch?v=vPP6aIw1vgY
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