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Larry Fessenden passe de Frankenstein au loup-garou avec «Blackout» [Fantasia 2023]

L’artiste multidisciplinaire Larry Fessenden était récemment de passage à Fantasia pour y présenter en grande première mondiale son nouveau Blackout, dans lequel il s’offre le loisir de repenser le mythe du loup-garou — lisez notre critique du film ici.

Après Depraved en 2019, Horreur Québec tenait mordicus à lui faire la causette à nouveau pour en apprendre plus sur son film et sur son cheminement.


Larry Fessenden Blackout film

Horreur Québec: On peut facilement dire que le film est votre propre version du classique The Wolfman. Les travailleurs étrangers rappellent les gitans et votre personnage a beaucoup en commun avec Larry Talbot. Jusqu’à quel point vouliez-vous vous imprégner du film original et vous en séparer?

Larry Fessenden: Il y a beaucoup de similitudes, même si je ne fonctionnais pas avec une grille de ce que je devais mettre ou non. Ce sont des histoires classiques. La figure paternelle, le personnage marginalisé dès le début de l’histoire, les étrangers qu’on accuse trop vite…

HQ: Vos films contiennent toujours des messages sociopolitiques. Pourquoi est-ce si important pour vous? Dans vos films, les gens communiquent toujours mal entre eux.

LF: La solitude est importante et je crois que c’est expliqué par notre rejet de l’existence de Dieu. Ce que je constate de la culture américaine, c’est que plus personne n’est capable de se parler. Pour moi, c’est la source ultime de l’horreur. Il me semble que la seule chose que nous avons pour nous en sortir serait de s’entraider. Le capitalisme n’aide pas. Dans mon film Beneath, les jeunes auraient pu survivre au prédateur s’ils s’étaient donné un coup de main.

HQ: Pensez-vous qu’on peut alors dire que vos films s’adressent davantage aux adultes qu’aux adolescents, comme la plupart des films d’horreur d’aujourd’hui?

LF: J’aimerais accrocher aussi les adolescents au passage, mais vous avez raison.

Blackout image film

HQ: Vous avez mentionné que vous n’êtes pas un cinéaste populaire, car vos films ne font pas peur.

LF: Ils sont effrayants si on les analyse un peu, mais ce ne sont jamais les monstres directement qui créent la peur dans mes films, mais plutôt l’erreur humaine. Je crois que mon seul film vraiment terrifiant est mon épisode de la série Fear Itself, dont le titre est Skin & Bones.

HQ: On sait tous que vous aimez le mythe du Wendigo, mais sinon vous venez d’offrir récemment une relecture de Frankenstein avec Depraved, et maintenant vous repensez The Wolfman. Est-ce qu’on peut s’attendre à voir bientôt votre version de The Invisible Man ou de The Mummy?

LF: Je suis très heureux de votre question puisque plein de gens me demandent si je compte refaire The Mummy. Je ne peux pas faire un film de momies.

HQ: Pourtant, l’histoire de fond est tragique, et qu’on y parle assez de la bêtise humaine. Je crois, au contraire, que ça pourrait tomber directement dans vos cordes.

LF: [Rires] Je devrais peut-être essayer.

Blackout peinture image film

HQ: Il n’en demeure pas moins que votre précédent film, Depraved, est sorti il y a quatre ans. Avec la COVID et les réformes qu’elle a impliquées au cinéma, est-ce que c’était plus dur qu’avant de ramasser des fonds pour réaliser un film d’horreur indépendant?

LF: Je ne trouve jamais d’argent. C’est la raison pour laquelle je tourne de très petits films. Maintenant, je suis également plus vieux et j’ai besoin de tourner le film rapidement. Cela m’a pris des années pour réaliser Depraved et je n’ai plus le temps de supplier Hollywood, qui ne me donnera rien de toute façon. C’est frustrant dans un sens, mais ça me permet une plus grande liberté créatrice.

HQ: Quelle est la partie la plus difficile pour vous, alors? Quand vous pensez aux contraintes budgétaires, est-ce que c’est plus difficile d’écrire, de produire ou de réaliser?

LF: Chaque phase est difficile, mais ça reste une forme artistique formidable. Je ne réalise pas de gros films avec des vedettes qui attirent les foules. D’une certaine manière, chaque étape est un combat. Mais ces deux heures où vous captez l’attention des spectateurs, c’est grandiose. Peut-être est-ce la raison pour laquelle je ne suis pas attiré par les séries. Bien sûr, il y a des liens entre mes films, mais j’aime raconter une histoire du début à la fin. J’aime cette forme qu’est le cinéma.

HQ: Avez-vous l’impression que les blockbusters d’épouvante d’aujourd’hui, qui ont souvent de bons budgets, sont de moindre qualité qu’autrefois?

LF: Le problème, c’est que quand on fait de l’horreur, la promotion se concentre sur le premier week-end au box-office. Il vous faut donc un fantôme ou une poupée maléfique. Souvent, on crée plus un produit que de l’art. Si on pense à un film comme Rosemary’s Baby, le film traitait de la libération sexuelle et de l’anxiété qui en découlait. C’était puissant. Aujourd’hui, on fait trop de films génériques ou de remakes qui, même lorsqu’ils sont bons, ne parlent plus du moment actuel. Si je pense, par exemple, à The Last House on the Left ou à The Texas Chain Saw Massacre, on y ressentait un côté hippie. On ne sent pas ça de la même façon dans leurs reprises.

Blackout Clay Von Carlowitz image film

HQ: À travers les années, vous avez souvent choisi à nouveau les mêmes acteurs. On reconnaît plusieurs de vos partenaires. À quel niveau est-ce important pour vous?

LF: Il y a une camaraderie qui survient derrière chaque film. Plusieurs réalisateurs fonctionnent comme ça. C’est peut-être aussi une façon de ne pas devoir convaincre de nouveaux visages de ce que je peux faire. J’aime bien travailler avec de nouvelles personnes aussi.

HQ: Vous êtes aussi un acteur très reconnu par les fans de films de genre. Je me demandais si un cinéaste vous avait inspiré sur un plateau à un point tel que vous souhaitiez lui ressembler.

LF: J’ai été dans deux films de Martin Scorsese et j’ai eu la chance d’observer deux artistes que j’adorais travailler ensemble. Je parle de lui et de De Niro. Marty est généreux et il va chercher le meilleur de ses acteurs en les mettant à l’aise. J’aime chaque réalisateur. Ils sont tous différents. Ted Geoghegan [Brooklyn 45] est si présent et chaleureux que ça vous inspire forcément.


Blackout sera à nouveau diffusé le 27 juillet dans le cadre du festival de Fantasia.

Blackout affiche film

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