Le troisième film de Brandon Cronenberg, Infinity Pool (Débordement), prenait l’affiche le 27 janvier dernier et Horreur Québec a profité de l’occasion pour discuter avec le maître insaisissable.
Dans Infinity Pool, un couple (Alexander Skarsgård et Cleopatra Coleman) passe des vacances de rêve au soleil, mais s’aventure hors du complexe pour une journée à la plage. Un accident tragique sur leur chemin du retour les plongera dans une culture remplie de violence, d’hédonisme et d’horreur entre les mains de la séduisante et mystérieuse Gabi (Mia Goth).
Attention: Comme le film est une sorte de puzzle sans réponse, il nous était difficile de discuter avec le cinéaste sans aborder son contenu. Cette courte entrevue se destine donc à ceux qui l’ont déjà vu.
Horreur Québec: Votre long-métrage est rempli de questionnements et je me demandais, malgré l’anecdote mentionnée dans le film, si le titre en lui-même n’était pas une sorte d’indice. Pourquoi avoir choisi le titre Infinity Pool?
Brandon Cronenberg: J’aime les titres vagues qui prennent un sens quand on les met en contexte. C’est un peu comme quand on va dans une galerie d’art, qu’on regarde une œuvre et que le titre nous force à la reconsidérer.
HQ: À la fin de votre film, on a beaucoup de choses justement à reconsidérer. Vous savez certainement que le moindre spectateur qui terminera le visionnement va tenter de découvrir, par sa propre analyse, si les clones sont réellement ceux qu’on exécute. Vous mettez même le questionnement dans la bouche d’un personnage. Vous êtes diabolique envers vos spectateurs, mais les ambiguïtés laissées sont parfaites.
BC: Je crois que l’acte créatif final de tout long-métrage est effectué par le public qui le reçoit. C’est une chose très subjective que de regarder un film. En tant que spectateur, on injecte énormément de nous-même dans cet acte. On interprète forcément. Je ne veux pas contrôler totalement l’expérience de mes spectateurs et le fait de ne pas donner toutes les réponses encourage la créativité. Dans mon cas, même si j’ai mes propres réponses quant aux questions, j’aime laisser cet espace aux cinéphiles.
HQ: Infinity Pool propose un monde imaginaire où les riches peuvent tout faire sans conséquence. N’avez-vous pas l’impression que même sans clones, c’est ce qui arrive dans notre société?
BC: Je crois que c’est plus simple de faire tout ce que l’on veut si on a beaucoup d’argent. Si vous avez plus d’argent, vous avez plus de pouvoir. Pensez à Donald Trump par exemple. Je ne sais pas si une personne riche peut toujours tout faire sans conséquence, cela dit. Parfois, les conséquences peuvent arriver plus tard.
HQ: Maintenant, parlez-moi de cette censure du film dont tout le monde parle.
BC: C’est une période étrange pour la classification des films qui sont présentés en salle. Souvent, les demandes de censures viennent des États-Unis, mais dans ce cas-ci, le Canada aussi s’en est mêlé. Je sais qu’au Québec, je n’aurais probablement pas eu ces problèmes, mais c’est la Colombie-Britannique qui a coté le film.
HQ: Au Québec, il est classé 16 ans et plus, alors que certains titres peuvent obtenir un classement 18 ans et plus. Cependant, mon point demeure au sujet que le film se destinait quand même aux adultes et je me demande vraiment ce qui aurait pu être si perturbant.
BC: Les séries en streaming auraient eu cette liberté. Les émissions comme Game of Thrones ou The Boys vont livrer des épisodes qui peuvent être classés «NC-17» [Interdit aux 17 ans et moins aux États-Unis], mais ça n’affecte en rien une distribution, puisque nous ne parlons pas de salles de cinéma. Je tenais à ce que le film soit présenté en salle.
HQ: Vous avez au moins supervisé les coupures, je crois?
BC: Oui, et les deux versions demeurent très similaires.
HQ: Infinity Pool est votre troisième film où l’on peut percevoir cette idée qu’être une personne à part entière est une illusion. Les gens voulaient ressentir ce que leurs idoles ressentaient dans Antiviral, l’héroïne de Possessor devait devenir quelqu’un d’autre et, ici, nos héros se questionnent pour savoir s’ils sont les clones ou les originaux.
BC: Vous avez raison et je crois que pour moi tout est toujours une illusion. Même dans nos vies personnelles. Dès qu’on a une interaction avec des personnes, on devient un acteur qui performe devant eux. Il y a toujours ce degré d’intériorité auquel les autres n’auront jamais accès. En même temps, je crois sincèrement qu’on ignore nous-même qui nous sommes. Personne ne peut savoir ce qu’il représente dans le monde ou même pour les gens l’entourant. On performe une version de nous-même qui parfois se mélange bien avec la société. Pour vous répondre, je crois que je suis prisonnier de cette idée et de ce qu’elle veut dire.
HQ: je ne peux pas vous laisser aller sans vous parler d’Alexander Skarsgård et de Mia Goth, qui devient lentement une vraie reine du cinéma d’horreur. Comment en êtes-vous venu à les choisir?
BC: Alexander a été le premier que nous avons choisi. On l’a investi très tôt dans le processus. Mia tournait Pearl quand elle a reçu notre scénario. C’est intéressant de regarder les excellents films d’horreur qu’elle a tournés et qui lui valent une reconnaissance, mais elle n’avait pas cette aura quand je l’ai approchée. Disons simplement qu’ils sont le genre d’acteurs qu’on rêve d’impliquer dans un projet.
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