Cruelles est un recueil collectif de nouvelles très variées sous la direction de Fanie Demeule et Krystel Bertrand, qui tentent chacune à leur manière de changer le visage que l’on dit aseptisé de la cruauté féminine. L’ouvrage est paru il y a quelques mois aux éditions Tête première.
Peut-on déshumaniser les femmes en leur enlevant la cruauté? Pourquoi celle des hommes est assumée alors qu’on tente trop souvent de valider celle du sexe opposé avec des excuses ou des prétextes? Quand on nous énonce cette thèse, on nous met réellement en appétit, puisqu’il s’agit d’un aspect de la dévalorisation de la femme qui n’est pas si visible avant qu’on s’arrête pour y réfléchir.
Cela dit, est-ce que ces histoires présentant des personnages féminins méchants travaillent toujours à valider cette assertion initiale? Ne décèle-t-on pas parfois en filigrane certaines justifications de leurs gestes? La violence émanant de ces femmes est-elle toujours si gratuite? La haine que ressent l’une d’elles pour les femmes enceintes est chargée de suggestions, alors que le duel lancé par une sœur frêle à son frère jumeau baraqué, dans un autre texte, respire une vengeance dont on devine les origines. Peut-être est-ce normal de chercher des raisons à de tels actes de folie, mais on a parfois cette idée que les récits travaillent à infirmer les aspirations.
Le haut calibre littéraire des différents styles est ici indiscutable. Le lecteur est confronté à des auteurs qui adoptent chacun à leur manière cette notion de cruauté en faisant briller la langue de Molière. Les fans de Patrick Senécal seront heureux de le retrouver clore ce bouquet de nouvelles.
Si l’emballage de ces récits offre le lustre qu’on aimerait toujours percevoir en littérature de genre, force est d’admettre que toutes ces histoires ne sont pas toujours si enivrantes. Certaines ne rechignent pas non plus sur des clichés qui s’articulent mal avec le mandat de départ et le style.
Le texte Amère de Lysandre Saint-Jean déstabilisera les plus solides, et propose une méditation fascinante sur cette vision idéalisée de la maternité, qui devient trop souvent un miroir de réussite. Cela dit, la nouvelle La dame blanche de François Lévesque se démarque grandement des autres. L’auteur a su y injecter un classicisme qui rappelle certains films d’horreur d’antan, auquel se dessine intelligemment ce portrait de femme cruelle. Contrairement à d’autres nouvelles, on ne ressent jamais ce besoin ultime d’offrir au lecteur le personnage le plus cruel du recueil en lui lançant des excès de violences.
Au final, un amusant petit recueil de nouvelles qui, sans dégager la prestance qu’on espérait, se laisse parcourir.
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