Elle est loin, l’époque où Gwendy Peterson s’inquiétait de son poids et montait les escaliers de la falaise de Castle Rock en courant. Maintenant dans la trentaine, Gwendy a été choyée par la vie. Auteure à succès adaptée au cinéma, amoureuse d’un photographe de guerre, elle a également été élue Représentante démocrate du Maine, et utilise sa position au Congrès pour faire avancer les droits des homosexuels et des malades atteints du SIDA.
Mais lorsque l’homme au chapeau lui laisse de nouveau la boîte à boutons entre les mains, Gwendy comprend qu’une chose n’a pas changé dans les vingt dernières années : l’attrait de cet objet mystérieux et magique sur elle. Comme si ce n’était pas suffisant, son séjour à Castle Rock pour la période des fêtes est assombri par des disparitions d’adolescentes en série. Gwendy aura besoin de la magie de la boîte si elle veut aider les habitants de Castle Rock à coincer le kidnappeur à temps. Mais est-elle prête à en payer le prix?
Gwendy’s Magic Feather a été écrite en solo par Richard Chizmar, qui avait coécrit Gwendy’s Button Box avec Stephen King. Le livre précédent se déroulait à Castle Rock, dans une période qui se situait chronologiquement avant Needful Things et la destruction partielle de cette petite ville du Maine. Dans la préface, King explique avoir donné sa bénédiction à Chizmar pour cette suite qui se déroule vingt ans plus tard. Malheureusement, le résultat s’avère tout simplement catastrophique.
Le personnage de Gwendy, que les failles et les imperfections rendaient si attachante, est maintenant une femme à qui tout réussit, mais qui trouve quand même le moyen de constamment remettre sa bonne fortune et ses actions en doute. Dans Button Box, l’adolescente faisait ses propres choix et en assumait les conséquences, qu’elles soient positives ou non (on se souvient qu’elle a succombé à l’attrait de la boîte et qu’elle a probablement causé la tragédie de Jonestown). Dans Magic Feather, c’est tout le contraire; on a l’impression qu’elle est constamment en réaction à ce qui se passe, et qu’elle se retrouve régulièrement dépassée par les événements.
D’ailleurs, l’intrigue elle-même est d’un ennui qu’il est difficile d’oublier. Le premier tiers du roman est dédié à faire la liste de tous les succès et de l’ensemble des réalisations de Gwendy au cours des dernières années, dans une énumération d’une grotesque exhaustivité. Puis, lorsqu’elle arrive enfin à Castle Rock, on espère que les choses vont bouger, alors qu’une première disparition survient. Mais mis à part des discussions avec Norris Ridgewick, le shérif de la ville et quelques rencontres avec les citoyens, il ne se passe strictement rien.
Puis, un drame entourant sa famille nous détourne de l’intrigue principale et semble justifier le titre du roman, puisqu’on introduit la «plume magique» de Gwendy, un objet de son enfance qui n’a aucune utilité autre que de permettre à l’auteur de parler de la question de la foi en la magie.
C’est dans le dernier quart du récit que les choses prennent une tournure plus dramatique, alors que des indices laissent croire que le kidnappeur se transforme en tueur en série. Et dans les dernières pages, on a droit à une résolution aussi bâclée que frustrante, alors que Gwendy découvre à elle seule la clé du mystère et parvient à convaincre le shérif d’arrêter le coupable.
L’un des éléments les plus frustrants (et il y en a beaucoup!) de ce roman est la propension de Chizmar à multiplier les références grossières et peu subtiles à l’univers de King, particulièrement à l’historique de Castle Rock. Quelqu’un qui se souvient d’un saint-bernard ayant semé la terreur? (Cujo, check!) Norris Ridgewick est le shérif et on mentionne Alan Pangborn ? (Needful Things, check!) Un président fou et un étrange don de prescience? (The Dead Zone, check!) Et ce ne sont que les plus évidents!
Regrettons aussi les libertés prises avec l’auteur avec Castle Rock elle-même. Les lecteurs assidus de King se rappelleront que la ville a été détruite en bonne partie à la fin de Needful Things. Sauf que dans Gwendy’s Magic Feather, Castle Rock semble avoir connu un boom économique et démographique que ne renierait pas Molly Strand (de la série télé Castle Rock!), ce qui est tiré par les cheveux et peu justifié. Après tout, on n’a qu’à se rappeler du sort subit par Jerusalem’s Lot, dans le roman Salem’s Lot, pour comprendre qu’une petite ville qui est pratiquement rayée de la carte a peu ou pas de chances de devenir une bourgade de moyenne importance où de nouveaux commerces, voire un centre commercial complet, peuvent s’y établir avec succès en moins de vingt ans!
Bref, c’est un ratage sur toute la ligne, puisqu’il n’y a aucun véritable enjeu dramatique, que le personnage de Gwendy est si parfait qu’il en devient ennuyant et agaçant et que la plume de Chizmar est loin d’être à la hauteur de celle de King, particulièrement lorsque vient le temps de mettre en scène le Maine et ses habitants.
C’est à se demander si King lui-même n’avait pas pressenti cet échec en confiant les rênes de cette suite à son coauteur, sans s’impliquer au-delà d’une préface qui apparaît, a posteriori, d’un optimisme naïf.
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