Un ancien journaliste d’investigation, désormais recyclé en nettoyeur de scènes de crime, se voit subitement fasciné par le curieux suicide d’une jeune femme, possiblement lié au meurtre d’un jeune Roumain, dont certains organes ont été dévorés par des cannibales.
Le moins que l’on puisse dire de ce second roman de Mickaël Koudero, c’est qu’il nous fait voyager, et ce, autant par l’évasion qu’il procure que par les différents lieux utilisés: Paris, Prague et la Roumanie deviennent le terrain de jeu du diable.
La faim et la soif est disponible au Québec depuis peu et nous ne pouvons que vous encourager à vous y risquer. La cohabitation de scènes sanglantes, d’enquête et de données historiques offrent une étoffe pour le moins jouissive à ce nouveau cauchemar, qui n’est pas sans rappeler le Millénium de Stieg Larsson. L’auteur magnifie son récit en travaillant le contexte historique comme de l’argile pour qu’il se laisse lentement assimiler par le lecteur. À travers cette joute intellectuelle se tresse lentement un véritable intérêt envers les enjeux véridiques dont on a fait appel; notamment la révolution roumaine de 1989 et la dégringolade de la dictature de Ceaușescu. Le résultat est donc touffu, mais ne devient jamais lourd ou ennuyant.
En se servant tout d’abord du nom de Nosferatu, l’auteur nous donne un excellent exemple que l’essence d’un mythe se fonde dans sa représentation du monde. En partant du vampire mythique, il tisse un lien vers les coins les plus sombres du monde réel. La décadence humaine paraît plus menaçante que n’importe quelle touche de folklore. Les conflits d’autrefois trouvaient des réponses dans ces légendes, alors que les combats d’aujourd’hui les ont démystifiés pour mieux les craindre. Cette manière d’établir un pont entre la légende et la vérité était aussi très soulignée dans le premier roman de l’artiste, Des visages et des morts, proposant une ludique utilisation du mythe d’Érostrate.
Ce qui happe avec un certain magnétisme le public assoiffé d’enquête, c’est avant tout la clandestinité de ce détective hors-service. Il n’est ni policier, ni même journaliste officiel. Si son engouement pour son affaire a quelque chose de malsain, la curiosité du lecteur suit le même itinéraire, comme si la curiosité empreinte de voyeurisme du héros nourrissait celle du bouquineur. Cet enquêteur désabusé fait certes écho au film noir, mais aussi au giallo. L’aura du septième art qui plane sur l’ensemble se justifie peut-être du fait que son auteur est un scénariste, mais sa plume est très cinématographique. Certaines descriptions semblent si détaillées qu’on a l’impression d’être témoin d’un long traveling sur un lieu que l’on dissèque. En ce sens, l’ouverture de chaque chapitre, auréolée par l’utilisation de gros caractères pourrait même s’apparenter à la ponctuation filmique, notamment le fondu d’ouverture.
Au final, La faim et la soif se révèle être un excellent thriller dont certains passages plus violents s’adressent à un lectorat averti. La finesse de l’écriture crée presque un malaise dans sa manière de poétiser la barbarie humaine et c’est possiblement la raison pour laquelle le résultat nous semble si viscéral.
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