Attention à tous les amateurs d’horreur lovecraftien, une nouvelle édition intégrale en français du manga culte Tomie de Junji Ito est disponible en librairie. Œuvre majeure de son médium, elle était jusqu’à ce jour, effectivement, assez difficile à trouver dans notre langue. Heureusement, Mangetsu et La Boîte de diffusion, au Québec, remédient à la situation.
D’abord pré-publié entre 1987 et 2000, Tomie raconte plusieurs histoires mettant en scène le personnage éponyme, une jeune fille dont la beauté et l’orgueil rendent fous les gens qu’elle rencontre. Traitant de thèmes allant de la violence misogyne au culte de la beauté, en passant par la solitude et la soif du pouvoir, le manga fait partie des plus emblématiques de son genre.
Tomie ce n’est pas nécessairement à mettre entre toutes les mains. Son penchant prononcé pour le gore, le body-horror et l’évocation d’une certaine violence sexuelle pourra en repousser certains. Cependant, pour peu que nous possédions une certaine fascination pour le macabre, le coup de crayon de Junji Ito ne peut que susciter de la fascination. Le style qui oscille entre le simple et le très détaillé au fil des planches est d’une justesse très old school, même pour son époque. Il rappelle plus les Kazuo Umezu et les Go Nagai de ce monde que les mangas modernes qu’on a l’habitude de voir.
En se laissant tenter, toutefois, on arrive à goûter à une œuvre qui ne laissera personne indifférent. En particulier aujourd’hui, où notre époque remet plus que jamais en question la masculinité toxique et la culture du viol, le message de Tomie résonne très fort. La puissance de ce personnage qui a sa place au panthéon des figures féminines majeures de l’horreur avec Sadako ou Carrie vient d’ailleurs de cet élément. Ce qui transforme Tomie en monstre, plus que n’importe quoi, c’est la cruauté des hommes. Or, plus celle-ci se manifeste, plus Tomie revient forte, se multiplie et infecte les autres. Sa présence même pousse ses victimes à aller au bout de leurs pulsions les plus violentes et à répéter un cycle de violence sans fin qui consommera le monde entier.
Au niveau de cette édition, on ne peut que saluer le respect des traductions et la beauté des couvertures. Les petits bonus, comme la préface d’Alexandre Aja, sont également très appréciés. Le seul élément venant retirer des points à cette édition se trouve au niveau de sa mise en page. En effet, Junji Ito étant très réputé pour son art de créer la surprise qui fait de tourner les planches, celle-ci aurait pu bénéficier d’une attention légèrement supérieure. Ce n’est pas le cas pour toutes les histoires, mais il aurait simplement fallu décaler le début d’une page pour régler le problème à quelques endroits. Ce détail un brin frustrant est mineur mais fréquent lorsqu’on a affaire à une édition intégrale réunissant plusieurs volumes d’un ouvrage.
Bref, une œuvre unique et indispensable d’un des plus grands mangakas de sa génération.
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