Dans un monde futuriste où les gens fortunés se plaisent à acheter les germes de leur idole pour se rapprocher d’eux, un jeune homme s’injecte la maladie d’une star dans l’intention d’en tirer profit en la commercialisant. Les événements prennent une tournure inattendue lorsque la starlette décède mystérieusement de ce virus.
Antiviral, premier long-métrage de Brandon Cronenberg qui signe également le scénario, parachute ses spectateurs dans un univers glacial où l’horreur devient avant tout quelque chose d’organique. Certains critiques ont reproché un manque de rigueur dans la façon dont le récit ausculte la célébrité. Qu’une entreprise pharmaceutique du nom de Lucas Clinic (est-ce un hasard si la clinique où sont fabriqués ces rêves et ces virus se nomme comme l’une des plus grosses sociétés de production cinématographique au monde?) puisse vendre les pathogènes de célébrité à des admirateurs semble une ficelle un peu excessive.
Pourtant, quiconque trouve la prémisse du film forcée devrait se remémorer cette anecdote sordide racontée dans le documentaire Trekkies où un fan aurait offert une somme d’argent pour pouvoir terminer le verre d’eau contaminé de l’acteur John de Lancie, qui s’était présenté dans un Comiccon avec une grippe insurmontable.
Succéder à un paternel aussi accompli n’est certainement pas facile, mais c’est cette appartenance au milieu artistique, par le biais de son père David, qui donne une virulence à la critique du vedettariat que souligne le scénario. Les stars n’existent pas dans la réalité: elles sont des hallucinations collectives produites pour nous faire consommer. C’est le cas au propre et au figuré, puisque dans l’univers de Cronenberg, les personnages ont le loisir de se nourrir de viande de vedette synthétique. Les bouchers utilisent des cellules biogénétiques reproduites pour en fabriquer des steaks et différentes charcuteries. Le scénario est très riche en références et en métaphores. Les clients qui attendent en file pour se faire servir ressemblent presque aux zombies de Romero, mais ce qui fascine, c’est l’engouement à manger le tissu humain d’une personnalité au rang social plus élevé qu’eux. La religion n’est plus ce qu’elle était et le star système a dorénavant pris sa place. Ce n’est plus une représentation du corps du Christ que les gens veulent absorber lors d’une communion, mais celui d’une célébrité.
Il reste toutefois facile de se perdre dans les nombreux rebondissements et on aurait quand même préféré que le suspense nous prenne davantage à la gorge. Dans son déploiement de personnages et ses revirements, la plume du fils Cronenberg semble à bout de souffle. C’est comme si de nombreuses pistes desquelles nous attendions trop manquent d’aboutissement.
Cela dit, le prodige compense allègrement avec une mise en scène qui carbure aux effets de style efficaces. Il maîtrise l’anatomie du septième art et la pétrit comme s’il s’agissait d’argile pour nourrir la bizarrerie de son histoire. L’un de ses atouts premiers a été cette collaboration avec un grand directeur photo qui roule sa bosse depuis un moment dans le film de genre. Les éclairages et la capture d’images de Karim Hussain confèrent au personnage d’Hannah Geist un patrimoine suscitant notre mémoire de ces stars de cinéma des décennies passées.
Le jeune acteur Caleb Landry Jones (Get Out) incarne à merveille ce protagoniste déconnecté, alors que la belle Sarah Gadon (Enemy, True Detective) donne du charisme à son rôle accessoire de créature de rêve.
Antiviral demeure au final une oeuvre extrêmement originale qui mérite qu’on la découvre. Malgré un certain succès critique, le film n’a pas suffisamment séduit le grand public pour l’ensemble des qualités qu’il avait à offrir. Il reste à souhaiter que la sortie de Possessor, deuxième film du cinéaste, donne envie aux cinéphiles de s’y risquer. Parions que d’ici quelques années, les créations de Cronenberg fils feront l’objet d’études et d’analyses comme le sont aujourd’hui celles de son père.
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