Si un nom peut rivaliser avec celui de Stephen King au niveau de l’influence pour la littérature horrifique moderne, c’est bien celui de Clive Barker. Peu importe ce qu’on peut penser de la saga Hellraiser et de sa déchéance au fil des années, une chose que l’on ne peut lui enlever est sa richesse mythologique. Les cénobites, Léviathan et les boîtes de Lemarchand ont investi l’imaginaire de milliers de personnes et sont aux sources d’un univers riche qui nourrit leurs cauchemars.
Il existerait dans le monde des boîtes dont la légende raconte qu'ils donneraient accès à des plaisirs inimaginables. Attiré par ces rumeurs, Frank Cotton s'en procure une et disparaît, emporté dans les profondeurs glaciales des enfers. Quelque temps plus tard, réveillé à la suite d'une chute de sang sur son lieu de décès, il émerge à nouveau sous forme d'un «écorché», un être sans peau qui a besoin de se régénérer en dévorant d'autres humains. Avec l'aide de son ex-amante et belle sœur Julia, il se lance dans cette entreprise...
Un univers riche
Hellraiser et sa figure de proue Pinhead ont une place particulière dans la grande histoire du cinéma d’horreur. Même si on voit le prêtre des enfers souvent assis à la même table que les Freddy et Jason de ce monde, on ne parle pas du tout du même genre d’œuvre. Hellraiser n’est effectivement pas un slasher, mais bien un film d’horreur psychologique où la peur passe avant tout par ce que l’on ne voit pas.
L’écriture de Barker est, en ce sens, parente à celle d’un Lovecraft. Barker crée avant tout un univers qui dépasse la compréhension humaine. Pinhead est d’abord un concept en soi. La preuve: dans ce premier film, il est presque un figurant. Les cénobites sont l’idée de l’indicible fascination de l’humain pour l’inconnu et du prix à payer pour l’atteindre. Tout comme la boîte de Pandore, la boîte de Lemarchand fonctionne comme une mise en garde. En un sens, l’horreur qui en découle est recherchée par ceux qui l’ouvrent. Guidées par leurs plus bas instincts, les victimes de la boîte représentent la quête de l’être humain pour le divin. Comme Adam et Ève qui croquent le fruit de la connaissance, les proies des cénobites cherchent à s’extirper de leur condition, mais ne récoltent que la douleur et la mort. Pour ce qui est de sa mythologie, Hellraiser est donc une véritable réussite. En se basant sur des mythes anciens et en les réactualisant dans un contexte moderne, Barker réussit à créer un univers dense où cohabitent religion, sexe, philosophie et horreur.
Un film en demi-tons
Maintenant, pour parler en termes de cinéma, on ne peut pas dire qu’Hellraiser est sans faute. Même si les effets pratiques sont particulièrement réussis, les quelques effets numériques piquent beaucoup les yeux. On peut pointer la responsabilité à un manque de budget et à une grande ingérence des producteurs. Par exemple, la décision des studios de vouloir faire passer un décor et des acteurs anglais pour Américains relève de l’absurde et n’apporte rien au film, si ce n’est un décalage pour les spectateurs. Dans le même ordre d’idée, la censure qu’a subie Barker sur ses scènes de violence rend certaines séquences confuses. On peut penser aux meurtres que commet Julia pour «nourrir» Frank qui sont visiblement charcutés au montage et ne servent absolument pas le propos du film sur la violence innée de l’être humain.
Cela dit, on ne peut nier que, même si certaines scènes restent décevantes, le film vieillit assez bien. Même si l’esthétique presque BDSM des cénobites peut faire sourire aujourd’hui, le talent avec lequel le tout a été conçu rend les créatures immortelles dans l’imaginaire des spectateurs. C’est tellement puissant que la nouvelle mouture, si elle semble s’éloigner du cuir, semble toutefois garder ce côté trituré des corps et ce mélange entre douleur et plaisir au cœur du design des anges de l’enfer.
Une oeuvre influente
Quoi qu’on en dise, Hellraiser est aujourd’hui une des pierres angulaires du cinéma d’horreur mondial. Que ce soit de manière frontale comme dans des films tels que Event Horizon, ou plus subtile comme sur le récent Psycho Goreman, l’héritage de Barker et de son univers est partout. Même en dehors du cinéma et de l’occident, le nombre d’artistes citant le film comme une influence majeure est plus qu’impressionnant. Feu Kentarō Miura, le génie derrière le manga Berserk, lui-même, se réclame de l’influence de la boîte de Lemarchand et des cénobites.
L’univers créé par Barker est si fort et l’aura de son film tellement puissant que même la série de suites la plus minable de l’histoire du cinéma d’épouvante n’a pu l’entacher. Maintenant, on ne peut que souhaiter que le nouveau film réalisé par David Bruckner soit à la hauteur et permette à une nouvelle génération d’avoir des cauchemars issus de l’enfer du Léviathan.
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