Le public a pu découvrir scénariste et réalisateur canadien Brandon Cronenberg avec le fascinant Antiviral en 2012. Projeté d’abord au Festival de Cannes, ce premier film a remporté le prix du meilleur long-métrage canadien au Festival International du Film de Toronto et plusieurs autres récompenses.
Le cinéaste nous revient maintenant avec Possessor, un long-métrage encore plus puissant. Malgré une carrière avortée en salle avec la pandémie, ce second long-métrage mettant en scène une tueuse à gages pouvant s’emparer du corps d’autrui pour les pousser aux meurtres a pu remporter deux prestigieux prix à Sitges: meilleur réalisateur et meilleur film de la sélection fantastique.
Horreur Québec a eu la chance d’échanger avec le cinéaste pour en savoir plus sur son nouveau film, disponible en vidéo sur demande le 1er décembre prochain:
Horreur Québec: Après le succès que tu as rencontré pour ton premier film Antiviral, est-ce que le processus de création a été plus simple pour le second?
Brandon Cronenberg: Étrangement non. C’est le sort de la plupart des petits films indépendants qui luttent pour du financement. Le processus est long. Tout mettre en branle demande beaucoup de temps. Antiviral était mon premier long-métrage, et je n’avais pas de carrière auparavant. Il a fallu que je l’écrive, et que je me lance dans le processus.
HQ: Qu’il s’agisse de l’un ou l’autre de tes films, ce qu’on apprécie en tant que spectateur c’est que tu ne détruis pas la structure de tes histoires en y ajoutant des facilités vers la fin. Est-ce que c’est difficile pour toi de choisir une fin adéquate pour tes récits?
BC: Ça dépend toujours du scénario. Parfois, c’est plus simple, mais à d’autres moments c’est l’une des choses les plus difficiles. Dans le cas de Possessor, par exemple, le scénario a beaucoup changé et évolué durant son parcours.
HQ: Tes deux films se déroulent dans des univers de science-fiction. On dirait que tu vas y chercher une distanciation avec le monde réel pour mieux le confronter, et je me demandais pourquoi c’est si important pour toi?
BC: Pour la raison que tu as mentionné. J’aime ancrer mes histoires dans des univers fictifs, car ça aide à dresser des angles nouveaux pour aborder le vrai monde.
HQ: Certains passages sont visuellement intenses et les meurtres font jaser. La violence ne nous semble pourtant aucunement gratuite, car on a l’impression qu’elle te permet d’une manière différente d’exposer le corps humain.
BC: Je dirais que dans mon dernier film, la violence est narrative. Dans Possessor, ma protagoniste a un rapport particulier avec la violence étant donné son occupation. Le gore traduit l’expérience que cette femme traverse. Parfois, la violence doit être montrée de manière cruelle et difficile à regarder si ça peut nourrir les personnages. En étant témoin de son parcours, c’est constructif pour le spectateur. Pour ma part, je trouve cela plus inquiétant si la violence est très aseptisée. Si on regarde un film pour adolescents où cent personnes sont tuées sans la moindre goutte de sang, cela banalise la violence. Je préfère perturber mes spectateurs avec ces scènes, en général.
HQ: Dans Antiviral, les vedettes n’étaient que des fantasmes construits par les médias et dans Possessor, l’héroïne manipule les actes de ses victimes en les pénétrant clandestinement. On dirait que tu es fasciné par les faux semblants, ou cette idée que les gens ne sont pas qui ils paraissent être.
BC: Je dirais que ça va même plus loin que ça. Il n’y a pas de vraies personnes: nous avons tous une forme de masque. Nous jouons tous des rôles. Nous sommes des personnages pour nous-même. D’une certaine manière, je dirais même qu’il est presque impossible d’être une vraie personne.
Quand je me suis promené pour faire la publicité d’Antiviral, j’avais presque cette impression que je m’étais créé une version publique de ma personne. À une certaine période de ma vie, je me réveillais le matin en me disant que je vivais la vie d’un autre, et que je devais construire ce personnage pour pouvoir opérer cette vie. J’ai eu donc envie de faire un film sur un imposteur dans sa propre vie et d’aborder cette construction de personnage.
HQ: La cinématographie joue une grande importance dans le style de tes films, et devient presque un personnage. Quelles étaient les consignes que tu as données à Karim Hussain au début du tournage de Possessor?
BC : Nous sommes des amis proches, et on a travaillé beaucoup ensemble. Alors que le tournage de Possessor était repoussé, nous avons produit un court-métrage intitulé Please Speak Continuously and Describe Your Experiences as They Come to You, qui nous a permis différentes expérimentations. Nous voulions créer des images cauchemardesques et sophistiquées et nous avons emmagasiné plusieurs idées. Nous nous sommes amusés avec les lentilles et les éclairages.
HQ: Tu mentionnes aimer travailler dans le cinéma, car il est un art qui peut exprimer les autres arts. As-tu déjà envisagé de jouer dans tes films?
BC: Non (Rires). Je suis un terrible acteur. Je ne veux affliger ça à personne.
HQ: Je présume que tu dois être un peu épuisé de la comparaison, mais si on pense à tes thèmes dominants qui sont la technologie, la science, la génétique et la mutation on peut facilement tisser un rapprochement évident avec les films de ton père. Selon toi, qu’est-ce qui différencie vos films?
BC : Pour être totalement honnête avec toi, je ne sais pas. Je n’ai pas cette capacité d’analyser mes films et de les percevoir avec un point de vue extérieur. J’essaie de respecter mes perspectives de création. Je fais le genre de films que j’aime regarder. Maintenant, je ne saurais dire à quel degré nos films se ressemblent ou se différencient. Ça ne m’importe peu personnellement, mais je comprends que les cinéphiles soient captivés en nous trouvant des similitudes. Il m’est juste difficile d’avoir une perception assez fidèle de mes films, ou des siens, pour avoir un avis sur le sujet.
Mais tu sais, mon père a une filmographie très variée et je crois qu’il serait très difficile pour moi de faire un film qui n’aborde rien de ce qu’il n’a pas touché.
HQ: Tu es quand même conscient que, malgré la signature personnelle de tes films, les fans de ton père ont toutes les raisons pour se faire un plaisir à trouver des similitudes, et à anticiper un nouveau génie?
BC: [Rires] C’est mon père, donc je pense avoir été influencé par lui de cette façon. Nous partageons des gènes, j’ai grandi avec lui en gardant une très bonne relation. Je n’ai pas assez de distance avec son travail pour être influencé par celui-ci de la manière dont les gens l’entendent généralement.
HQ: Envisages-tu de rester dans le film de genre pour le futur?
BC: J’ai deux films en développement que j’aimerais tourner successivement. Le premier s’appelle Dragon et l’autre Infinity Pool. Pour l’instant, je vais rester dans le genre. Je ne l’ai pas décidé ainsi, mais c’est ce qui m’intéresse.
À défaut d’avoir pu le découvrir en salle, nous vous encourageons à visionner ce nouveau film de Brandon Cronenberg, en vidéo sur demande dès le 1er décembre, qui deviendra un classique instantané.
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