Le 24 juin prochain sortira en salle le très attendu The Black Phone (Le téléphone noir). Au grand plaisir du public, le réalisateur Scott Derrickson (The Exorcism of Emily Rose, Deliver Us from Evil) renoue avec Ethan Hawke (The Purge) 10 ans après la sortie de Sinister (Sinistre), un film au titre juste à point qui a marqué le cinéma d’épouvante. Une décennie plus tard, Sinister a toujours sa place de choix dans les palmarès des films d’horreur les plus effrayants jamais produits. Mais pourquoi donc? Voici peut-être probablement pourquoi…
Creuser le passé… mais déterrer les morts
Il y a de ces films qui, par leur prémisse, donnent l’impression de placer les mêmes morceaux aux mêmes endroits pour nous offrir un produit déjà vu, mais dans une autre couleur. Dans le cas de Sinister, on se rend compte dès les premières minutes que nous n’avons pas affaire à l’ABC familier. D’entrée de jeu, nous sommes témoins d’une scène effroyable, captée sur pellicule 8 mm, qui met en scène quatre personnes pendus à un arbre. Ça commence bien… mal!
Viennent ensuite les personnages, les bras chargés de boîtes de déménagement. Typique introduction qui présente toutefois un petit quelque chose de singulier. Généralement, dans les films du genre, les protagonistes n’ont aucune idée de ce qui s’est produit d’horrible dans les lieux qu’ils s’apprêtent à habiter. On le découvre pas à pas avec eux et on se joint à leur désillusion, un rebondissement à la fois. Ce n’est pas le cas ici. L’écrivain de récits criminels, Ellisson Oswalt (Hawke), sait très bien ce qui s’est passé sur la branche derrière chez lui et décide tout de même d’amener sa famille dans cette «foire aux malheurs» pour y écrire son prochain livre à succès. L’homme ment à ses proches sans cligner des yeux et se place aussitôt à mi-chemin entre les bons et les méchants. On se doute alors que personne ne sera épargné dans ce petit jeu avec le feu.
Le film emboîte le pas rapidement avec une cadence rythmée et un malaise constant. On s’engouffre sans retenue dans l’entêtement du personnage principal qui veut découvrir les dessous sordides des meurtres dont sa demeure a été hôte. Heureusement pour lui, sa quête sera facilitée par la découverte d’une boîte contenant une série de courts-métrages maison. C’est quand le projecteur se met en marche que Sinister vient marquer notre imaginaire et gâcher notre nuit.
Plusieurs films d’horreur des années 2000 ont réussi à pousser l’audace avec des scènes terrifiantes, mais rarement de façon aussi cruelle. En utilisant le médium du snuff film (vidéo ou long-métrage exposant de vraies victimes de torture ou de meurtre), le réalisateur s’offre carte blanche et se permet de nous montrer l’horreur sans pudeur pendant de longs plans-séquences insoutenables. Le film est adroitement ponctué de ces moments de visionnage qu’on appréhende et anticipe. En parallèle à ces projections, l’histoire ne s’essouffle pas et nous réserve quelques frousses bien placées. Parlant de frayeur adroitement introduite pour nous faire lever à 8 mm de notre siège (le jeu de mots est volontaire!), il faut absolument mentionner, et ce, même si plusieurs considèrent les sursauts risibles, que Sinister contient un des plus gros jump scare de l’histoire du cinéma d’horreur. Prêts à relever le défi? Avancez le film à 1 heure 3 minutes 25 secondes, installez-vous confortablement, regardez sans mains au visage et on se reparle dans 60 secondes!
Une trame grinçante à souhait
Créer une ambiance propice à l’effroi nécessite une attention particulière aux sonorités, aussi subtiles soient-elles. Les silences perturbés sont toujours une avenue gagnante, mais la trame sonore demeure l’élément clé pour nous guider vers l’horreur. Elle nous prend la main et nous fait avancer tranquillement, mais sûrement, nous avertit mais nous inquiète. C’est ici que Christopher Young, maître dans les musiques de films d’horreur (Hellraiser, Drag Me to Hell, The Grudge), entre en scène et fait monter l’anxiété d’un cran. Dans un mélange de bruits de synthétiseur étranges, de lourdes percussions et de voix distordues, Young rythme le film dans une cadence brisée qui part et arrête abruptement et nous déstabilise grandement.
Si la science le dit!
En 2020, BroadbandChoices.co.uk a mis sur pied une étude scientifique intitulée The Science of Scare. Cinquante «victimes» ont consommé plus de 120 heures d’horreur lors desquelles leur fréquence cardiaque a été mesurée. Au repos, la fréquence cardiaque s’élève en moyenne à 64 BPM. Sur cette base, l’étude a nommé Sinister grand gagnant de la frousse avec une élévation à 86 BPM pendant le visionnement et une montée en flèche à 131 BPM lors de son plus gros jump scare. Le film a cédé sa place en 2021 à Host, qui a réussi à faire monter la fréquence cardiaque de son audience à une moyenne de 88 BPM.
Investir peu, mais miser juste!
La maison de production Blumhouse est reconnue pour sa création de films d’horreur à budget raisonnable qui frappent fort sur le marché. Dans le cas de Sinistre, un «petit» trois millions a été investi dans la production pour ensuite générer d’impressionnantes recettes de 82 millions. Bien que le film ait amassé moins de revenus que les trois premiers tomes de la franchise Paranormal Activity parus quelques années plus tôt, il demeure tout de même un pilier de la «boîte à horreur», qui peut se vanter de bien savoir investir ses dollars! Pas surprenant que le film ait connu une suite trois années plus tard. Encore une fois écrit par Scott Derrickson et C. Robert Cargill, mais réalisé cette fois par Ciarán Foy (Eli), Sinistre 2 n’a toutefois pas autant impressionné son public et n’a récolté qu’environ 54 millions. Les critiques se sont généralement entendues pour dire que les mêmes tactiques d’effroi avaient été ressassées (films maison, cette fois sur bobines 16 mm), mais que l’effet avait perdu de son horrible «charme».
Tous ces éléments rassemblés placent donc la barre est assez haute pour The Black Phone. Même Ethan Hawke a osé élever nos attentes en affirmant que le film surpasse en tout point ses autres projets d’horreur. Cette fois campé dans la peau du vilain, l’acteur souligne la finesse avec laquelle Derrickson a dirigé le film. À ses dires, le scénario est meilleur que celui de Sinister et la production est plus mature. Ne reste plus qu’à voir si nous en parlerons encore dans 10 ans!
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