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Détail de la couverture numéro 224 de Solaris, illustrée par Tomislav Tikulin.

« Solaris » : un demi-siècle d’anticipation de la science et d’intrusion dans le surnaturel

La revue québécoise Solaris s’impose, avec ce cinquantième anniversaire que l’on célèbre cette année, comme étant le plus vieux magazine d’imaginaire dans la langue de Molière sur le globe.

Garni de nouvelles de science-fiction, de fantastique et de fantasy, le périodique attire un grand nombre de lecteurs et d’auteurs·trices de métier et issu·e·s de la relève.

La romancière Francine Pelletier, aussi connue sous le pseudonyme Catherine Sylvestre, est la coordonnatrice de Solaris et s’y implique depuis une quarantaine d’années. Horreur Québec a eu la chance de s’entretenir avec elle pour souligner ces célébrations.


Horreur Québec : Pour un novice, qu’est-ce que la revue Solaris?

Francine Pelletier : C’est un magazine littéraire proposant des nouvelles, mais qui va s’intéresser à toutes les manifestations de la science-fiction, du fantastique et de la fantasy. On peut aussi y lire parfois des critiques ou des entrevues avec des écrivains.

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Solaris intéresse beaucoup les aspirants écrivains. C’est un moyen pour les écrivains de trouver un moyen de publication plus accessible. Je travaille aussi chez Alire, et nous recevons beaucoup de manuscrits. Le réflexe qu’on a face à un nouveau romancier, c’est de lui conseiller d’écrire une nouvelle pour gagner de l’expérience. Comme c’est plus rapide que de travailler sur un long roman, s’il y a un refus à avoir, ça devient moins douloureux. Solaris offre donc un grand nombre de nouvelles de science-fiction, de fantastique et de fantasy.

HQ : Quand on s’entretient avec un écrivain de genre au Québec, on constate que le parcours semble ardu. Pourquoi est-ce si dur de publier au Québec?

FP : Ce n’est pas un métier avec lequel on peut facilement gagner sa vie au Québec. On ne peut donc pas s’embarquer dans ce créneau en voulant devenir riche et célèbre. Il vaut mieux penser à l’écriture comme à une passion.

C’est normal de cumuler plusieurs refus avant d’être publié. L’éditeur est avant tout un lecteur qui publie. Quand on veut publier des romans, il faut trouver un éditeur avec qui on a des atomes crochus. Alire, qui existe depuis presque trente ans, a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Nous recevons beaucoup de manuscrits et plusieurs collaborateurs reviennent également. Se frayer un chemin pour pouvoir publier un roman, ça peut sembler parfois compliqué. Écrire une nouvelle n’est pas nécessairement plus facile, mais ça reste un travail de moins longue haleine, tout en nous apprenant le métier.

HQ : Solaris devient presque un moyen d’apprendre à écrire?

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FP : Oui, c’est une école d’écriture. Il y a déjà eu une chronique sur la création littéraire rédigée par Elizabeth Vonarbourg dans Solaris, dont les textes ont été repris dans son ouvrage Comment écrire des histoires?  Par la suite, l’écrivain Yves Ménard avait répondu à son ouvrage avec le texte Comment ne pas écrire des histoires? Je renvoie encore souvent de jeunes auteurs les lire.

Solaris a été toujours un outil d’apprentissage. Il n’y a pas d’école d’écriture officielle, comme par exemple d’école de cirque ou de danse. Conseiller les auteurs a toujours été important pour Solaris. L’écriture, c’est énormément de travail. La construction de l’histoire, c’est très difficile. Parfois, les jeunes auteurs ne savent pas se relire. En nouvelles, les gens pensent encore qu’il faut faire des textes à chute [qui réservent un dénouement inattendu], mais pour y réussir il faut être vraiment très bon.

HQ : Que doit faire un auteur en herbe qui veut essayer d’écrire pour Solaris?

FP : Il a simplement à nous envoyer la nouvelle. Un écrivain a envie de raconter des histoires, c’est pour cela qu’il écrit. Évidemment, il faut peaufiner le texte au possible. Il faut corriger les fautes, et éviter les verbes faciles. Les auteurs débutants ont souvent une idée qui leur semble originale, mais les éditeurs en ont vu tellement. Il faut donc essayer d’être personnel et d’aborder un thème sans penser qu’on est le premier à l’aborder.

En automne, nous aurons une édition dirigée par Ariane Gélinas qui offrira des textes de nouveaux écrivains.

HQ : Cette année, Solaris célèbre ses 50 ans et vous allez offrir des cadeaux à vos membres pour célébrer.

FP : Nous avons commencé les festivités avec l’édition de printemps, en offrant à nos abonnés deux numéros en même temps. Nous préparons aussi une exposition pour le Salon du livre de Montréal où nous aurons un espace réservé au cinquantième anniversaire de la revue.

Au début, la revue se nommait Requiem. C’est le professeur Norbert Spehner qui l’avait créée avec ses étudiants. On a changé son nom en 1979, cela dit. Ensuite, Spehner s’est retiré, et c’est une équipe qui a remplacé le rédacteur en chef. On continue encore à donner une visibilité à certains écrivains.

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Norbert Spehner est ses étudiants scrutant le premier numéro de Requiem. Crédit photo : Solaris.

HQ : Pourquoi il y a autant d’auteurs de génie littéraire de genre méconnus au Québec? Le succès de Solaris n’est pas justement la preuve qu’il y a un public pour ce type de textes?

FP : Si je pense à mon expérience d’écrivaine, je dirais que souvent les gens connaissent mal les genres. Fréquemment, des femmes sont venues me voir en me disant qu’elles aimaient mes romans, mais qu’elles détestaient en général la science-fiction. Je réalisais qu’elles avaient une conception un peu fabriquée par la télévision, et qu’elles étaient possiblement mal informées sur ce que c’était.

Il faut aussi comprendre que le génie de certains auteurs implique parfois une complexité et une richesse un peu moins accessibles. On est parfois confrontés à des oeuvres qui pourraient plaire davantage aux lecteurs expérimentés. Pourtant, les experts littéraires osent rarement se risquer à aborder un roman de science-fiction dans une chronique autant à la télévision que dans les journaux. La conséquence triste de ce préjugé, c’est que plusieurs écrivains de haut calibre restent dans l’ombre.

Alire a investi tellement d’argent et de publicité pour aider les auteurs, mais la connotation paralittéraire empêche les émissions d’en parler. J’ai bon espoir. On dirait qu’on accepte plus la science-fiction quand elle vient d’ailleurs.

HQ : Est-ce qu’il y a un lien entre Alire et Solaris?

FP : Alire est venu en aide à Solaris. Le conseil des arts du Canada a coupé les subventions en 2000 pour Solaris, et Joël Champetier, en tête à l’époque, publiait chez Alire. Jean Pettigrew voulait justement lancer une revue sur des polars et Alire a donc offert une structure administrative et financière à Solaris.


Nous invitons nos lecteurs à découvrir ou redécouvrir la revue Solaris, et lui souhaitons un joyeux anniversaire et une longue vie.

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