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Stéphan Castang jongle avec les genres dans «Vincent doit mourir» [Fantasia 2023]

En mai dernier, Vincent doit mourir s’est tissé une très forte réputation lors de sa sélection à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes.

Le film raconte la descente aux enfers d’un homme qui voit subitement chaque individu croisant son regard se transformer en violent meurtrier désirant l’éliminer.

Le cinéaste français Stéphan Castang était récemment de passage à Fantasia, et Horreur Québec voulait absolument lui parler à propos de son film qui mélange habilement les genres.


Horreur Québec: Le scénario de Vincent doit mourir est complètement déjanté, et je me demandais ce qui vous a attiré le plus en le lisant?

Stéphan Castang: C’était le concept que je trouvais très intelligent. Le regard peut évoquer plein de choses, en commençant par la cour de récréation où un enfant va demander à un autre pourquoi il le regarde de travers ou au connard qui s’énerve après s’être fait doubler par une voiture. Ça apportait quelque chose qui me permettait de parler de cette folie de la violence, sans psychologie ou si vous voulez, sans expliquer. Je trouvais le scénario assez inspirant, car il y avait de la place pour que je puisse m’en emparer. J’aimais cette idée de mélange des genres.

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HQ: Pensez-vous que les gens ont peur à ce point-là de regarder les autres dans les yeux dans le monde d’aujourd’hui?

SC: Un peu, mais ça marche aussi dans les deux sens. Il ne faut pas rester aveugle de sa propre violence. Vincent est neutre au début et il se fait déplacer à tous les niveaux. Il doit quitter son emploi et travailler de la maison, et ensuite son père lui a enlevé sa chambre. Il va rencontrer un clochard qui va l’aider, alors qu’il ne lui aurait probablement jamais parlé auparavant. C’est aussi le cas de Margot qu’il voit comme une femme en détresse.

HQ: Impossible de ne pas penser aux thrillers des années 1970 en regardant votre film, mais il aborde des thèmes très modernes. Même si le scénario a été écrit avant la COVID, je présume, on y parle de confinement. Difficile aussi de ne pas faire de liens avec la guerre en Ukraine.

SC: Il y a beaucoup d’inspiration des thrillers des années 1970 comme vous le dites, mais l’actualité colle au film. J’ai eu le projet en main avant la COVID et quand on a retravaillé le scénario, on essayait de ne pas s’inspirer de l’actualité. Mais depuis que l’homme est homme, il manifeste le goût de se battre. Le miracle de la violence, c’est les temps de paix.

HQ: Au sein du même film, vous passez du film d’horreur apocalyptique au film d’amour, au road movie, et j’en passe. J’ai apprécié le fait que lorsque le long-métrage bifurque d’un genre à l’autre, il n’y a aucune baisse de régime. Mais ça devait être tout un défi tout de même?

SC: Mon but ultime était de trouver la tonalité de chaque genre.

HQ: De quels cinéastes vous êtes-vous inspiré pour trouver ces tonalités?

SC: Romero, bien sûr, mais aussi Carpenter, Godard et Buñuel. Je voulais que ma première soit comme un rêve à la Buñuel.

Vincent Must Die Vincent doit mourir

HQ: Je suis vraiment étonné de ne pas entendre Clouzot dans vos références, puisque la scène de combat dans la fosse septique me semblait un hommage direct à son film Le Salaire de la peur.

SC: C’est marrant parce que je n’y ai pas pensé, mais maintenant que vous le dites… Si j’avais voulu demander à mes techniciens de reproduire la scène de Clouzot, on n’aurait pas pu faire plus pareil.

HQ: Vous livrez un film de genre et vous êtes sélectionné par la Semaine de la Critique à Cannes. Avez-vous été surpris?

SC: J’ai été surpris, mais c’est bien de l’être. Mais c’est un projet pour lequel je ne me suis mis aucune pression. Être choisi à la Semaine, ça a été formidable et j’avais un trac du tonnerre avant la projection.

HQ: On a l’impression en Amérique que le cinéma d’horreur n’est jamais pris au sérieux. Il sert à sortir des studios de la ruine avec de faibles mises de fonds, mais ce n’est jamais des produits reconnus pour leurs qualités. En Europe, les choses semblent un peu mieux.

SC: Les détracteurs et les amateurs font presque partie de sectes. J’ai l’impression qu’il y a quelque chose qui se passe en Europe. On met moins de hiérarchie entre les films qu’avant. Ma cinéphilie inclut Larry Cohen et Robert Bresson. C’est un vrai danger de rendre pur le cinéma de genre en lui donnant une étiquette. C’est la même chose avec le cinéma d’auteur.


Nous souhaitons la meilleure des chances à Vincent doit mourir, qui débute à peine son circuit dans les festivals, et nous espérons que son cinéaste nous reviendra bientôt avec une autre perle.

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