La maison Blumhouse nous propose The Vigil en vidéo sur demande le 26 février prochain où, pour des raisons pécuniaires, un homme qui vient de quitter une communauté recluse accepte d’être Shomer; un rituel funéraire assez commun dans la culture juive où quelqu’un doit veiller une dépouille durant une nuit entière.
Horreur Québec a eu la chance de s’entretenir avec le cinéaste Keith Thomas pour mieux comprendre certaines traditions et mythes de la tradition judaïque qui l’on amené à en tirer un film d’épouvante très stylisé et original.
Horreur Québec: J’ai lu quelque part que vous aviez découvert la position du Shomer lors de vos études en théologie. Engager un gardien pour surveiller une dépouille la nuit est une tradition réelle. Pourquoi avez-vous décidé d’en faire un film?
Keith Thomas: J’ai beaucoup étudié la religion juive et la mythologie. Je n’ai jamais été un Shomer moi-même, mais je connais des gens qui l’ont été. C’est relativement commun, en fait. Dans la culture juive, le Shomer est habituellement un membre de la famille ou un ami de la famille. Mais à l’intérieur de communauté, il y des gens que l’on paye pour effectuer ce rôle, pour les gens qui n’ont pas de famille.
C’était mon premier film, et c’est un film d’horreur. Je voulais aborder quelque chose que je n’avais pas vu auparavant dans d’autres films. C’est un rituel que je n’ai jamais vraiment vu au cinéma, et c’était parfait pour générer la peur. Mais je voulais aussi être fidèle à ce rôle de gardien, et montrer ce qu’il englobait.
HQ: La culture juive ne présente pourtant aucune notion de démonologie si je ne m’abuse; vous avez donc dû un peu contourner les règles pour l’utilité du film?
KT: C’est intéressant car dans la maturité de la vie juive, la démonologie n’est pas présente. Pourtant, dans des communautés moins orthodoxes, il y a un côté surnaturel. Il y a différentes communautés, mais pour certains groupes, de l’ouest entre autres, il y a une croyance face aux forces démoniaques. Ils craignent le dibbouk, par exemple. C’est un esprit démoniaque.
Il y a des écrits, malheureusement qui ne sont accessibles qu’en hébreu, qui parlent des démons. L’un d’eux est le Mosaic, et ce mot en hébreu pourrait se traduire par «le destructeur». On dit qu’on ne doit jamais aller dans une maison déserte car il s’y cache.
Les démons juifs sont très différents des démons du christianisme. Pour eux, les démons ne viennent pas de l’enfer. Ce sont des créatures qui se rattachent plus à la sauvagerie des bêtes. C’est une sorte d’animal dangereux qui rôde, et on doit suivre certaines formules pour éviter qu’il se nourrisse de nous.
J’ai eu la chance de rencontrer un rabbin canadien qui a étudié certains textes et qui avait des informations sur eux.
HQ: L’ouverture de The Vigil montre un groupe d’aide présentant des personnes qui tentent de renaître en dehors de certaines communautés plus fermées. Les témoignages sont touchants, mais ce début permet déjà de comprendre la solitude du personnage. Pensez-vous que la religion est quelque chose de si toxique?
KT: Les gens dans l’ouverture qui sont assis à la table sont tous réels. Ce groupe existe vraiment à New York et se nomme footsteps. Ils aident des gens quittant des communautés insulaires à s’adapter. Exception faite de mon personnage, les situations que l’on entend sont authentiques. Plusieurs personnes du groupe sont de vrais déserteurs de milieux fermés. J’ai eu de longues conversations avec eux et avec d’autres personnes qui ont quitté ces communautés, et j’ai eu des impressions très mitigées. Pour certains, c’est très difficile de quitter ces milieux, alors que d’autres s’adaptent mieux. Je voulais offrir un personnage qui soit un peu au centre de tout ça. Mon protagoniste se bat, car il tente de vivre par lui-même, et il essaie de faire la paix avec tout ça. Pour moi, les contradictions que vivent ces personnes deviennent plus intéressantes que le fait de se questionner pour savoir s’ils ont raison ou tort.
HQ: L’angoisse et le suspense du film sont fondés sur la solitude de votre personnage, et déjà avant le moindre élément horrifique, on ressent sa solitude, son inquiétude et son malaise.
KT: Oui. Mon acteur passe presque la totalité du long-métrage tout seul, et je voulais que mon film soit assez mature pour montrer ses émotions avant de le plonger dans le cauchemar. Je voulais qu’on comprenne aussi d’où il venait. Le spectateur devait aussi établir un lien entre ses tourments actuels, et ce qui va lui arriver. J’ai aussi ce sentiment qu’ouvrir le film avec un personnage en crise peut aider à créer un lien avec le spectateur. Je voulais que les gens comprennent pourquoi ce type était inconfortable assis dans cette chaise à surveiller ce mort.
HQ: Quand on regarde le film, ce qui frappe c’est cette difficulté de séparer le son et la musique, et c’est ce qui nous donne l’impression que cette maison est vivante. Pouvez-vous nous parler du travail sonore sur le film?
KT: Dès le départ, je savais qu’on aurait un petit budget qui allait apporter des limites, mais aussi des libertés. Le son devait donc livrer la peur et l’angoisse. Dans mon scénario, je décrivais déjà en détail les bruits et les sons. En pré-production, mon équipe savait que l’ambiance serait importante. J’ai donc travaillé avec mon compositeur et mon preneur de son en mentionnant avec détail ce que je voulais. Il fallait aussi que la maison ait l’air plus grande qu’elle ne l’était en réalité. Je comptais donc sur l’ambiance pour ça. Les sons sont devenus presque intégrés à la musique. J’adore voir ce genre de films où l’on se demande si le bruit entendu est vraiment ce que le personnage entend, ou si c’est un rajout pour le spectateur.
HQ: Pour les fans d’horreur, la bannière Blumhouse est devenue très important. Pouvez-vous nous parler de votre implication avec eux?
KT: Le film a été tourné de manière indépendante, et ils sont venus ensuite. Ils ont assisté à la première du film au TIFF, et ils l’ont aimé. Nous avons depuis développé une collaboration et je travaille avec eux sur mon second film.
HQ: On sait que ce nouveau projet est une nouvelle adaptation du roman Firestarter de Stephen King.
KT: C’est l’un de mes romans favoris de Stephen King. Je l’ai adoré quand je l’ai lu plus jeune. Ils m’ont demandé de le réaliser. C’était parfait pour moi et ça englobait plusieurs éléments qui correspondent aux thèmes qui me sont chers: le pouvoir de l’esprit, l’étude des drogues et une relation père-fille. Je suis très excité de le tourner et j’espère qu’on pourra le faire cette année. Ceux qui aiment le roman risquent d’aimer cette nouvelle adaptation et le scénario est viscéral et effrayant.
Nous encourageons nos spectateurs à découvrir The Vigil lors de sa parution sur demande le 26 février prochain et souhaitons la meilleure des chances à Keith Thomas pour son tournage à venir. Firestarter pourrait peut-être se retrouver sur nos écrans plus tôt que prévu!
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.