En 1943, alors que la guerre fait rage entre Japon et États-Unis, l’ingénieure Maude Garrett transporte un colis classé «secret défense» à travers le théâtre d’opérations du Pacifique. Embarquée sur un avion allié, elle fait vite face à l’hostilité de l’équipage (entièrement masculin) de l’appareil. Méfiants, ceux-ci enferment la jeune femme dans une tourelle de combat. Maude aura donc beaucoup de difficulté à convaincre ses compagnons de vol de la véracité de ses dires lorsqu’elle aperçoit une créature inconnue en train de s’en prendre à un moteur de l’aéronef…
Deuxième long-métrage de la cinéaste sino-néo-zélandaise Roseanne Liang, Shadow in the Cloud nous la présente en contrôle absolu de ses moyens. L’intrigue reprend l’idée de base de Nightmare at 20,000 Feet, épisode culte de Twilight Zone, et lui offre une cure de rajeunissement. Hybride entre huis clos horrifique et film d’action féministe, Shadow profite d’une mise en scène redoutable. Celle-ci est mise au service d’une métaphore qui semble d’abord assez minimaliste avant de prendre un virage inattendu vers un troisième acte excessif à souhait.
Une bonne partie de l’intrigue se déroule dans le minuscule habitacle où notre protagoniste se laisse enfermer. Liang possède une impressionnante quantité de bonnes idées pour rendre ce huis clos dynamique et claustrophobe. On angoisse dans cet espace minuscule en compagnie de Chloë Grace Moretz (Carrie 2013), solide dans un personnage bad ass dont la valeur, les capacités et la crédibilité sont remises en question par un concert de voix masculines. Acceptant d’être mise au rancart pour le bien de sa mission, elle apprendra l’affirmation de soi dans une série de séquences absolument spectaculaires que nous réserve la dernière partie du film.
C’est à ce point que Shadow in the Cloud se transforme en film d’action absolument démentiel, dont l’énergie débridée se dévoile au rythme d’une trame sonore de synthwave (où l’on retrouve la formation montréalaise Duchess Says). Roseanne Liang exploite le point de vue unique de l’habitacle d’un vieux bombardier afin de proposer des plans des cieux à la fois sublimes et glaçants. La cinéaste enchaîne les séquences vertigineuses sorties du dernier film de Tom Cruise, les combats d’avions, explosions de gore et spectaculaires attaques de son monstre. Ce dernier nous pousse à nous interroger sur le budget qu’elle avait à sa disposition tant il est convaincant. Il faut dire que c’est le fameux studio néo-zélandais WETA Digital, fondé par Peter Jackson, qui s’est occupé des effets spéciaux.
L’alternance entre drame épuré et aventures rocambolesques ne devrait pas fonctionner, et pourtant. Roseanne Liang progresse comme une funambule sans filet au dessus d’un gouffre de caricature. Comment parvient-elle à rendre aussi fascinants des personnages que l’on pourrait qualifier d’archétypaux ou de sous-écrits? Un talent fou de mise en scène, tout simplement, qu’on espère la voir appliquer au cinéma d’horreur à nouveau.
Cette critique a été publiée dans le cadre du Festival international du film de Toronto.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.