Contrairement aux soldats de Satan, les bonnes histoires de possession ne font pas légion. Quarante-cinq ans plus tard, l’héritage de The Exorcist se fait encore sentir, et les livres comme les films nous remâchent inexorablement des récits de jeunes femmes qui se masturbent avec des crucifix, tournent la tête sur 360 degrés et vomissent de la soupe aux pois.
Publié un an avant My Best Friend’s Exorcism, un autre game changer, et disponible bientôt en français, A Head Full of Ghosts s’est valu les louanges de la critique et a même remporté le prix Bram Stoker du Meilleur roman en 2015 — contre Clive Barker!
Alors qu’elle a huit ans, la vie de Merry change du tout au tout: sa sœur adolescente commence à exhiber des symptômes de maladie mentale et, au fur et à mesure que son comportement s’aggrave, ses parents (surtout son père) déterminent qu’elle doit être possédée. Pour faire face à leurs problèmes financiers, ils décident de capitaliser la situation en en faisant le thème d’une télé-réalité. Pendant des semaines, Merry côtoie donc une équipe de télévision venue documenter la descente aux enfers de sa sœur et la désintégration des liens qui unissent les membres de sa famille. Le cauchemar pour n’importe qui, quoi — mais encore plus pour une enfant qui ne comprend pas la gravité de la situation.
Cette histoire bouleversante, dont vous sortirez avec le sentiment d’y avoir laissé un peu de votre âme, est racontée entièrement du point de vue de Merry, mais selon trois perspectives différentes: celle de l’enfant qui assiste sans le comprendre en temps réel à ce cauchemar, celle de la blogueuse qui décortique et analyse avec humour les épisodes de la télé-réalité sous un nom d’emprunt et celle de la femme qui, quinze ans plus tard, confie ses souvenirs à une auteure qui souhaite les publier. Comme, dans l’univers du livre, tous sont familiers avec les évènements tragiques des Barret, cette construction en trois temps permet à la narration de révéler nonchalamment quelques spoilers qui, loin de nous donner envie d’interrompre notre lecture, nous font plutôt l’accélérer pour savoir ce qui est arrivé pour en arriver là. En fait, seules quelques longueurs au milieu empêchent A Head Full of Ghosts d’atteindre la perfection.
En matière d’élaboration de personnages, Paul Tremblay (Américain malgré son nom à consonance québécoise) est une force à ne pas sous-estimer. Avec une passion évidente, l’auteur nous entraîne au fond de la psyché de Merry et explore chaque facette des événements tels qu’elle les vit et les interprète, jusqu’à bâtir le personnage d’une petite fille qu’on a envie de prendre dans ses bras et de protéger contre le cauchemar qui fait rage autour d’elle. Jamais mélodramatique, plutôt naïf et comique, l’auteur se glisse dans sa peau avec un naturel désarmant.
Notons qu’une adaptation cinématographique sera portée à l’écran par la maison de production Team Downey (composée de Robert Downey Jr. et de son épouse, Susan Downey). On ignore qui y tiendra un rôle, mais on connaît le réalisateur: Oz Perkins (The Blackcoat’s Daughter, I Am the Pretty Thing That Lives in the House). Une raison de plus pour lire le bouquin!
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