Depuis 2018, Mike Flanagan permet aux amateurs d’horreur d’accueillir l’automne avec une expérience de binge watching haute en frissons. Faisant suite au succès de The Haunting of Hill House, The Haunting of Bly Manor, Midnight Mass et The Midnight Club, le roi de l’Halloween chez Netflix récidive cette année avec sa dernière série, The Fall of the House of Usher (La Chute de la maison Usher).
Après avoir perdu tous ses héritiers l'un après l'autre dans un court laps de temps, le milliardaire Rodrick Usher invite son vieil adversaire, l'avocat Auguste Dupin, à recevoir sa confession. Persuadé que la mort viendra le chercher à son tour bientôt, l'homme d'affaires se dit enfin prêt à raconter les circonstances dans lesquelles sa sœur jumelle et lui ont trouvé la fortune et le succès, sans jamais subir les conséquences de la corruption évidente de leur société. Les détails abracadabrants de ses confidences feront toutefois douter Dupin de son honnêteté et, surtout, de son bon sens.
En 2023, les médias élèvent les milliardaires au rang de superstars en reportant leurs moindres faits et gestes. Si certains d’entre eux ont leur propre fan club, comme Elon Musk, d’autres sont universellement détestés: c’est le cas de Richard Sackler, le président de Purdue Pharma, qui a développé l’OxyContin – une inspiration évidente pour la famille Usher et son patriarche, qui doivent également leur fortune à un puissant antidouleur. Comme la dynastie Sackler, les Usher ont minimisé l’ampleur de la dépendance causée par le médicament pour en rejeter la faute sur les toxicomanes qu’ils ont créés, blanchissant leur nom à coups de fraudes, de documents forgés et de tactiques de reputation laundering.
L’écho que trouve The Fall of the House of the Usher dans la dure réalité de la manufacture de la crise des opioïdes fait de l’examen de la déchéance des Usher une expérience cathartique. Le récit s’appuie sur une architecture simple qui oppose le bien (Dupin) au mal (Usher), avec la Justice (le Corbeau) au centre. Malgré sa simplicité et, avouons-le, un certain manque d’originalité, ce scénario a tous les ingrédients qu’il faut pour créer une expérience de visionnement profondément satisfaisante, que vous connaissiez bien l’œuvre d’Edgar Allan Poe ou non.
Après Shirley Jackson et Henry James, Flanagan s’attaque donc à un autre père fondateur de la littérature d’horreur gothique. The Fall of the House Usher ne se base pas que sur la nouvelle à laquelle elle emprunte son nom, mais bien sur la bibliographie complète de l’auteur américain. Sauf le premier et le dernier, qui font tous deux référence au poème Le Corbeau, chaque épisode s’inspire d’une nouvelle qui lui donne son titre, en plus de contenir moult références à d’autres œuvres. En outre, chaque personnage de la série porte le nom d’un personnage de Poe, ou encore d’une personne l’ayant côtoyé dans la vraie vie.
Une anthologie sans en être une, The Fall of the House of Usher articule ces références autour du récit-cadre de la confession de Roderick. Il faut toutefois dire que les passages qui révèlent le passé des jumeaux Usher sont l’élément le plus faible de la série. Les retours en arrière souffrent en effet d’un rythme lent dont le dénouement ne justifie pas l’anticipation, laissant au spectateur·trice le sentiment un peu amer de s’être fait mené en bateau.
Cette faiblesse mise à part, Flanagan ne déçoit pas. Au sommet de sa forme, il cimente sa réputation de virtuose du mélodrame familial surnaturel en reprenant les instruments qui font son succès: une narration aux couches riches et nombreuses, un style flamboyant et une maîtrise de l’art du monologue. Bien que certain·e·s pourraient la trouver lourde et indulgente, sa complexité et sa prétention intellectuelle ne privent pas le spectateur d’ingrédients horrifiques plus tape-à-l’œil, comme une bonne dose d’humour morbide, des jump scares bien sentis et des morts plus créatives les unes que les autres. Le deuxième épisode contient d’ailleurs une scène sanglante dont on se souviendra longtemps.
Comme d’habitude, le réalisateur s’entoure de ses interprètes chouchoux. La distribution compte donc des habitués du Flanaganverse comme Henry Thomas, T’Nia Miller, Samantha Sloyan, Rahul Kohli, Zack Gilford, Crystal Balint, Kate Siegel ou encore Carla Gugino. Cette dernière livre d’ailleurs une performance transcendante dans le rôle ambitieux de Verna, un oiseau de malheur qui porte plusieurs chapeaux.
«Jamais plus», disait le corbeau du célèbre poème éponyme d’Edgar Allan Poe; nous, c’est plutôt «encore plus» qu’on a envie de chanter. Sans date annoncée pour son prochain film, The Life of Chuck, l’attente sera longue pour celleux qui ont hâte de voir quels autres tours Mike Flanagan cache dans son sac. Heureusement, avec cette autre excellente série qui s’ajoute à son répertoire déjà généreux, les fans auront de quoi tromper l’impatience.
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