Pour The Forever Purge, cinquième film de la franchise, James DeMonaco a passé le flambeau de la réalisation à Everardo Gout (la série Snowpiercer, ). Comment celui-ci s’en est-il sorti?
D’origine mexicaine, Juan (Tenoch Huerta) et Adela (Ana de la Reguera, Army of the Dead) sont installés au Texas depuis un an. Elle travaille dans une boucherie et lui, sur un ranch, où sa facilité à communiquer avec les chevaux lui attire l’admiration de son patron (Will Patton, Halloween) et l’animosité du fils de celui-ci (Josh Lucas, Session 9). La NFFA ayant repris le pouvoir après les deux termes servis par Charlene Roan (la candidate à la présidence de The Purge: Election Year), la fameuse nuit de bacchanale meurtrière est de retour. Accompagnés d’autres immigrants, certains illégaux comme eux, le couple s’isole pour la nuit dans une usine protégée par des hommes lourdement armés.
Croyant à tort le chaos terminé, ils quittent le sanctuaire au matin pour s’apercevoir qu’un mouvement populaire visant à purifier l’Amérique des «indésirables» bat son plein. Alors que le pays entier est aux prises avec l’anarchie, le Canada et le Mexique ouvrent leurs frontières pour une période de six heures. Accompagnés de certains membres de la famille propriétaire du ranch où travaille Juan, Adela et lui traversent un État en feu dans une course contre la montre, où le pays qu’ils ont fuit représente maintenant leur seule chance de survie.
La franchise créée par James DeMonaco a relégué la subtilité aux oubliettes avec The First Purge, et il est impossible pour les spectateurs de The Forever Purge de ne pas saisir ici le commentaire social écrit en gras, en majuscule et en italique. Non, la Purge n’est pas l’occasion de libérer ses pulsions assassines, mais bien un passe-droit permettant aux extrémistes de droite de se débarrasser des strates de la société qui n’ont pas leur place dans leur idéologie.
Avec cette chasse à l’immigrant en plein Far West, on ne peut s’empêcher de penser à certaines œuvres récentes comme Desierto de Jonás Cuáron. Il faut dire que l’obsession de Donald Trump avec la frontière mexicaine et les réfugiés d’Amérique latine, combinées aux crimes haineux qui font tristement souvent l’actualité, fournissent un terreau fertile pour un cinéma d’horreur de plus en plus revendicateur. Avec l’inclusion d’une famille blanche dont un membre possède des idées régressives, The Forever Purge ne se contente pas uniquement de condamner l’extrême violence des suprémacistes blancs, mais aussi de dénoncer le racisme systémique en insistant sur le fait que celui-ci peut être désappris. Malgré son cynisme extrême, ce dernier volet de la franchise possède donc un arc de rédemption réussi qui ne dépend pas de clichés comme ceux du «bon sauvage» ou du «n**** magique». Juan et Adela demeurent en outre les personnages principaux de A à Z.
La franchise nous a habitué à sa surexploitation de symboles américains, tant dans le décor que dans les costumes. Et quoi de plus américain que le Far West? Les chevaux, les bottes pointues, les chapeaux de cowboy, les foulards au visage et même les lassos s’étalent dans un décor brûlant et désertique. On remarque l’inclusion d’ammunitions directement dans les masques, une idée brillante.
Les films d’horreur se déroulent habituellement la nuit, où le silence et la noirceur sont des facteurs anxiogènes. Dans The Forever Purge, le soleil du Texas éclabousse la laideur et la violence de lumière. Comme rien n’est caché (sauf pour les scènes à El Paso, hélas trop sombres pour être véritablement appréciées), que de nombreux meurtres se produisent à l’arme blanche ou en close-combat et que les discours racistes n’ont rien de censuré, il s’agit d’une expérience de visionnement assez difficile dont certains pourraient être ébranlés, surtout ceux ayant été (ou étant toujours) victimes de racisme.
Cela dit, The Forever Purge n’est pas parfait. Attachants ou non, les personnages demeurent sommes toutes plutôt superficiels et leur destin, prévisible. Certains thèmes, comme celui du conflit identitaire de l’immigrant qui veut s’intégrer sans renier ses racines, auraient gagné à prendre plus de place, et quelques répliques manquent de naturel — pensons à l’excellent discours du patriarche, qui reconnaît son privilège d’homme blanc riche. Les paroles de Will Patton donnent certes envie d’applaudir, mais leur limpidité ne pose aucun doute sur le fait que chaque mot a été attentivement calculé par une équipe de scénaristes.
Malgré tout, The Forever Purge se pose comme le chapitre le mieux réussi d’une franchise de presque dix ans. Même si cette satyre sociale s’annonce le dernier volet, on espère que le succès du film éliminera cette décision, parce que The Purge a définitivement encore beaucoup à dire.
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