D’où vient Halloween? À quoi sert-elle? Il n’existe pas de réponse simple: comme la nature qui meurt à l’automne et revient au printemps, la fête se transforme un peu chaque année. Ses symboles et sa signification possèdent un rôle et une signification qui varient d’époque en époque, de location en location.
Alors que la COVID-19 jette un voile sombre sur les célébrations saisonnières, les explorateurs de l’étrange vous invitent à traquer l’évolution de la fête préférée des amateurs d’horreur avec un voyage à travers le temps qui vous emportera d’un bout à l’autre du globe. À vos marques, prêts, trick or treat!
Des origines païennes? Oui et non
Hybride entre les traditions celtes et chrétiennes, Halloween est avant tout une fête nord-américaine exportée des États-Unis au reste du monde. Plus ou moins populaire selon le pays, elle se teinte des couleurs locales pour un résultat inusité: voyons d’abord comment tout a commencé.
Plusieurs fausses croyances entourent la naissance de cette fête. Celles-ci incluent l’origine romaine du festival de Pomone, nymphe des fruits, alors qu’en vérité, cette figure mythologique n’a jamais fait l’objet d’un festival. En fait, tout le calendrier romain antique traverse novembre sans fête ni festival. Halloween, dont le nom est un dérivé de «All Hallows’ Eve», a plutôt vu le jour avec syncrétisme en Irlande, en Écosse et dans l’Île de Man.
N’oublions pas que notre connaissance des traditions celtes provient surtout de témoignages oraux pas toujours crédibles, mis en texte avec jugement et désapprobation par des moines chrétiens. Il est difficile de dissocier le vrai du faux, d’où la confusion entourant les origines de la fête. On peut aussi pointer du doigt les écrits du géomètre Charles Vallancey (1731-1812) qui a propagé de nombreuses fausses informations à ce sujet. Alors considéré comme une autorité sur le folklore, il a notamment affirmé que Samhain était le nom d’une déité aussi connue sous le nom de Balsab, alors qu’il s’agit plutôt d’un mot gaélique désignant la fin de l’été. Nous prêtons aussi souvent une histoire sinistre à la fête en l’associant aux sacrifices humains, bien que son passé ne soit définitivement pas aussi sombre.
Ainsi, Samhain (une journée toute aussi importante que Beltane, fêtée le 1er mai) célébrait la récolte et l’abondance temporaire de nourriture. Les festivités comprenaient le paiement de dettes et le règlement de comptes, y compris le jugement et l’exécution de criminels, et ont radicalement changé avec l’invasion normande et l’arrivée du christianisme, ce dernier faisant du 1er novembre la Toussaint (All Saints’ Day) et du 2 novembre le Jour des Morts (All Souls’ Day).
Dans leurs efforts pour renverser l’autorité du pape, Henri VIII et Élisabeth 1ère ont toutefois mis un frein aux festivités, notamment en interdisant le tintement des cloches qui les caractérisaient. Il faudra attendre 1605 pour que Guy Fawkes ramène novembre sur la carte avec son complot raté contre le roi James 1er. Le 5 novembre se transforme donc en Guy Fawkes Day, une fête qui commémore l’exécution de ce personnage détesté et qui, à cause de sa proximité avec elles, acquièrent plusieurs caractéristiques de la Toussaint et du Jour des Morts, tout en inaugurant de nouvelles traditions.
Les feux de joie, lors desquels sont brûlées des effigies de Guy Fawkes puis, plus tard, du pape, font le plaisir des plus vieux mais surtout des plus jeunes, qui vont mendier de maison en maison pour acheter de l’essence et des feux d’artifices. Les feux de joie étaient populaires bien avant, visant d’abord à éliminer les restes de la récolte, mais servant aussi à divertir les fêtards. Guy Fawkes Day passe à la prospérité lorsque le parlement anglais décide de bannir tous les festivals sauf cette exception en 1647, bien que le festival ait tant perdu sa signification qu’on le surnomme désormais Pork Night.
Une nouvelle confusion survient en 1582, lorsque le pape Grégoire XIII instaure le calendrier grégorien, qui met du temps à être adopté par les pays protestants. En Angleterre, ce dernier est enfin appliqué en 1752; le royaume a alors accumulé onze jours de retard, ce qui crée une deuxième célébration de Hallows Eve le 11 novembre. Ce changement de date ne dure guère longtemps puisque le 11 novembre marque déjà un festival, celui de Martinmas, dont les coutumes incluent aussi le règlement de dettes, la divination et l’exécution du bétail — une pratique qui cesse avec la mécanisation de l’industrie de la boucherie.
La popularité d’Halloween reprend du terrain en Écosse lorsque le patriotisme connait un second souffle. En 1875, Robert Burns publie le populaire poème Hallowe’en. L’œuvre sera abondamment citée dans les magazines et les guides qui deviendront si populaires aux États-Unis dès le vingtième siècle. En Europe comme aux États-Unis, on retrouve à la même époque une série de publications portant sur le folklore des Îles Britanniques.
De l’Europe aux États-Unis au reste du monde
Les Américains n’accueillent pas immédiatement la célébration d’Halloween, à laquelle s’opposent d’ailleurs les dirigeants révolutionnaires incluant George Washington, qui craignent d’offenser leurs alliés français. Ceux-ci célèbrent alors avec une révérence religieuse la Toussaint et le Jour des Morts, d’ailleurs importés en Louisiane. Cette désapprobation ne dure pas, surtout lorsque l’expérience agréable de la reine Victoria, qui assiste aux festivités de Balmoral Castle en Écosse en 1869, fait les choux gras. Les magazines en font la nouvelle mode et piquent la curiosité des femmes intriguées par un festival qu’elles croient anglais et, surtout, désireuses de le transposer en sol américain. Les revues et pamphlets sur le sujet explosent; elles portent toutefois surtout sur la décoration et le divertissement, remplies d’idées de jeux, de recettes et de bricolages pour recevoir. À la fin de la décennie 1910, Ruth Edna Kelley publie The Book of Hallowe’en, le premier livre entièrement consacré aux origines de notre fête préférée. On peut saluer l’autrice bien bas puisque l’information qu’elle a compilée tient encore aujourd’hui, du moins en majeure partie. On ne peut en dire autant d’ouvrages subséquents, comme Halloween Through Twenty Centuries (1950) de Ralph et Adelin Linton, bourré de mensonges.
L’enthousiasme va sur son déclin en 1919, avec la prohibition: il faut dire que les soirées ne sont plus les mêmes sans alcool. Le rationnement causé par les deux Guerres Mondiales ne créent d’ailleurs pas le climat propice pour la distribution de bonbons. Passés ces événements, les adultes redécouvrent Halloween grâce à l’immense popularité des cartes postales et d’une nouvelle venue, la pin-up, souvent représentée avec des éléments saisonniers. La montée du néo-paganisme et de la Wicca, qui ont élu Salem comme capitale, redonne à Halloween un aspect spirituel qui revendique les origines de Samhain et introduit une foule de rituels.
Désormais fermement américaine, Halloween contamine lentement le reste du monde, qui l’embrasse ou lui résiste. Pour les pays qui les célèbrent encore, le sérieux de la Toussaint et du Jour des morts jurent parfois avec les extravagances du 31 octobre, ce qui explique cette révérence. En Pologne, par exemple, les citoyens rendent souvent hommage aux victimes de la Seconde Guerre mondiale lors des premiers jours de novembre, rappelant un passé douloureux qui n’a rien d’amusant. Cette journée est parfois déjà associée à d’autres occasions, ralentissant l’assimilation comme c’est le cas avec la fête de la Réforme en Allemagne. Enfin, des différences culturelles (en Ukraine, la citrouille symbolise le rejet) et démocratiques (Hugo Chavez, président du Venezuela, la traite de tactique terroriste américaine) mettent parfois des bâtons dans le roues à l’Halloween.
En revanche, la fête obtient un succès instantané dans certains pays comme le Japon, qui possède une longue tradition de cosplay. Elle profite énormément à certains pays et régions comme la Transylvanie en Roumanie et la Sicile en Italie, où des attractions morbides comme le château de Dracula et les Catacombes des Capucins attirent les touristes. La relation entre Halloween et Dia de Los Muertos, célébrée dans plusieurs pays d’Amérique latine, mais surtout au Mexique, est plus compliquée. Le Jour des Morts mexicain fascine avec ses traditions et ses décorations aussi magnifiques qu’«exotiques»: cavaleras ou avis de décès humoristiques, pique-nique dans les cimetières, traînées de soucis (cempasúchil), crânes de sucre… À la croisée du catholicisme et de l’héritage mésopotamien, le festival attire les touristes, pour lesquels il s’adapte, et souffre d’appropriation culturelle. Ses symboles, comme la Cavalera Catrina, sont importés aux États-Unis mais dépouillés de leur histoire et de leurs significations.
Halloween a toujours comporté son lot de croyances et de superstitions. Dans le nord de l’Irlande par exemple, les familles préféraient ne pas laisser sortir leurs enfants le 31 octobre par peur qu’ils se fassent enlever par des fées. C’est toutefois l’Histoire qui a prêté à Halloween son imagerie sinistre. Parmi les événements à retenir, soulignons la peste noire, qui débute son horrible progression dès 1346 et introduit une certaine fascination avec l’image de la Faucheuse. Autour de 1480, les procès pour sorcellerie prennent ensuite l’Europe d’assaut, notamment grâce à la popularité du Malleus Maleficarum. Avec cette épidémie viennent peurs et superstitions, nourries par des récits de sabbats où les sorcières dévorent des nouveaux nés avec Satan; les sorcières de Salem entretiennent le même intérêt morbide aux États-Unis.
La citrouille allumée (jack-o’-lantern) prend les États-Unis d’assaut grâce au livre The Legend of Sleepy Hollow de Washington Irving ,qui ne fait portant nulle allusion à Halloween; le lien se fait naturellement, puisque les visages grimaçants sculptés sur des fruits et légumes (navets, courges, pommes) font déjà partie de la coutume. La récolte et l’automne rendent la fête propice aux activités et aux symboles saisonnier, comme le jeu de la pomme dans l’eau ou la visite de labyrinthes de maïs. Pour les fermiers, Halloween devient une occasion de faire mousser les affaires, puisque les familles raffolent de la récolte de citrouilles et des tours de tracteur. Les concours de toutes sortes soulignent la popularité du fruit. Parmi les plus inusités, notons Windsor Pumpkin Regatta, une course de bateaux sculptés dans des citrouilles géantes!
Du côté de la ménagerie, l’origine de certains animaux associés à la fête est parfois difficile à retracer, comme le rat, l’araignée ou le hibou. En 1897, la chauve-souris fait son apparition avec le roman Dracula, alors que les chats noirs s’en donnent déjà à coeur joie puisqu’on les associe aux sorcières. Avant 1900, la popularité du cheval, jusqu’à alors l’animal le plus représenté lors d’Halloween, commence à décliner. L’automobile y est sans doute pour quelque chose!
Trick or Treat: des bonbons ou des mauvais coups
On retrouve divers rituels de mendicité à travers l’histoire d’Halloween, comme celui consistant à demander de l’argent pour allumer les feux de joie. En Irlande, les quêteux évoquaient souvent Colomba d’Iona, un missionnaire du sixième siècle, pour demander de l’argent pour tenir un festin en son honneur. Dans ce même pays, on retrouve les Straw Boys, un groupe d’hommes et de garçons affublés d’un chapeau de paille qui avaient l’habitude d’arriver à l’improviste lors des mariages pour danser avec la mariée; ils recevaient alcool, nourriture et argent en échange de leurs prouesses puis s’en allaient aussi vite qu’il s’en étaient venus. Les visites des Straw Boys n’avaient rien à faire avec Halloween, contrairement aux Grulacks écossais qui, vêtus de costumes élaborés aux rubans colorés, faisaient des apparitions surprises à cette date pour demander à boire et à manger. À Manx, les jeunes transportaient des navets sculptés et allumés pour réciter le poème Hop-tu-naa de maison en maison.
Les immigrants allemands ont amené au Canada et aux États-Unis le belsnickling, une tradition encore vivante dans certaines provinces des Prairies et des Maritimes. Normalement tenue la veille de Noël, la coutume consiste en l’arrivée impromptue de jeunes hommes costumés qui font quelques tricks en l’échange de treats. Notons d’ailleurs que la première utilisation connue de la phrase «Trick or treat» a été rapportée par un journal de l’Alberta en 1927!
Donc un peu comme Walpurgis, Halloween présentait une occasion de lâcher son fou et de faire des mauvais coups. Les farces étaient parfois désagréables, mais rarement dangereuses: les enseignes des boutiques étaient échangées, les portes de granges démontées et les habits noirs saupoudrés de farine… Dans les années 1920, les mauvais coups prennent un virage sinistre qui culmine en 1933, où les actes de vandalisme atteignent un tel niveau que la fête est surnommée «Black Halloween». On parle alors de voitures renversées, d’incendies allumés et de piétons attaqués. Les mauvais coups devenus un réel problème, des organisations comme les scouts ou le YMCA offrent aux garçons des activités qui les distraient, comme des parades, concours et carnavals. Néanmoins, certaines traditions persistent auprès des adolescents, comme le lancer d’oeufs ou de papier hygiénique. Quelques mesures pour contrer ces pratiques font sourire: en 2004, la chaîne de supermarchés britannique Asda a banni la vente d’oeufs aux ados lors des semaines précédant Halloween!
Cela n’en empêche pas certains de tenter d’utiliser Halloween comme excuse pour justifier leurs actes répréhensibles. Ainsi, en 1921, des membres du Klu Klux Klan défendent leur droit de porter leur costume le 31 octobre. Le groupe suprémaciste récidive en 1965 quand il prétend que ses actes d’harcèlement et de vandalisme sont aussi inoffensifs que les mauvais tours joués la nuit d’Halloween.
Jeux divinatoires
Difficile de déterminer quand les jeux divinatoires se sont infiltrés dans les festivités, si ce n’est qu’il y a très longtemps. Compte tenu du rôle déterminant du mariage à l’époque, surtout pour les jeunes filles, vous apprendrez sans surprise que la plupart des superstitions visaient à prévoir la date du mariage ou l’identité du charmant élu. Ces rituels incluaient souvent des aliments associés à la fête, comme du chou, du maïs, des noix ou des pommes: lors d’une activité rappelant le moderne Bloody Mary et ses innombrables variations, la participante devait manger ou couper une pomme en sections pour apercevoir son futur mari dans la glace.
D’autres jeux font écho aux traditions encore pratiquées aujourd’hui. Dans l’une d’elles, qui fait penser au labyrinthe de maïs, une jeune femme s’avançait dans un champ les yeux bandés ou en faisant marche arrière pour en examiner la récolte, dont l’apparence devait fournir quelques indices sur l’homme de leur vie. Le jeu le plus populaire demeurait Luggie Bowls, une importation écossaise lors de laquelle il fallait choisir à l’aveugle entre trois bols, dont le contenu révélait la date approximative du mariage à venir, d’ailleurs mis en vedette par James Joyce dans son récit Clay.
Des gâteaux aux bonbons aux lames de rasoir
Il aura fallu trick or treat pour que les compagnies de bonbons prennent intérêt à Halloween, autrefois célébré avec des gâteries maison comme le taffy (la tire), mais surtout différentes variantes de gâteaux sucrés ou salés. Parmi ceux-ci, notons les soul cakes, un gâteau de fortune offert aux visiteurs, et les fortune cakes, une variante qui, à la façon d’une galette des rois, dissimulait divers objets prémonitoires. Les enfants allaient de maison en maison pour demander des soul cakes, parfois accompagnés d’adultes au visage noirci ou transportant un hobby horse, soit un bâton surmonté d’un crâne de cheval. On prêtait à ces gâteaux le pouvoir d’attirer la chance, d’où l’habitude de les préserver, parfois pendant des années, au lieu de les manger.
Il faudra attendre 1880 pour l’apparition d’un classique mal aimé, le candy corn, manufacturé en masse dans les années 1920, précurseur de la folie des bonbons qui accompagnent le 31 octobre. La popularité de cette sucrerie tricolore influencera d’autres industries s’adressant aux enfants (les épiciers distribuent donc des sacs de friandises déjà assemblés) qu’aux adultes (des marques de cigarettes affichent des symboles associés à la fête).
En 1964, une New Yorkaise offusquée par le nombre de trick or treaters dont elle juge l’âge trop avancé distribue plutôt des biscuits pour chien, du poison pour fourmis et de la laine d’acier, lançant la rumeur des gâteries dangereuses. En 1974, un garçon de huit ans meurt après avoir consommé un Pixie Stick mêlé de cyanide. Même si la responsabilité de ce meurtre hideux revient au père de l’enfant, la culture populaire s’approprie l’incident avec des légendes urbaines de bonbons fourrés de lames de rasoir ou même imbibés de LSD. La distribution de gâteries maison comme les boules de maïs soufflées ou les cupcakes prend fin avec l’arrivée de programmes éducatifs qui demandent aux enfants d’inspecter soigneusement leur butin et de ne pas manger de produits non emballés, au grand plaisir de Hershey, M&Ms et Mars.
Petite histoire des costumes
La commercialisation d’Halloween ne s’applique pas qu’aux bonbons, mais aussi aux costumes. Les déguisements prêt-à-porter font sauver du temps aux parents pressés, en plus d’être plus sécuritaires. Ceux-ci sont effectivement habituellement confectionnés en tissu ignifuge, fournissant un moyen de prévention pour les accidents parfois meurtriers, surtout lors des feux de joie. La menace de ce danger atteint la sphère publique en 1939 lorsque l’enfant star Caryll Ann Ekelund, apparue aux côtés de Shirley Temple dans The Blue Bird, meurt lorsque son costume d’Halloween prend feu. Elle n’avait que quatre ans.
Les ventes de costumes sexy pour femme explosent lorsqu’arrive le nouveau millénaire. Pour certaines, ceux-ci permettent aux femmes de se réapproprier leur corps et leur sexualité; pour d’autres, il s’agit d’une conséquence alarmante de l’hypersexualisation des femmes et des filles, même très jeunes. En 2020, une enfant aussi jeune que 8 ans peut mettre la main sur un déguisement de soubrette (French maid), minijupe incluse.
Malgré l’immense popularité qu’ils connaissent aujourd’hui, les costumes pour Halloween ont mis du temps à arriver sur le marché. La communauté gaie se trouve derrière ce regain avec une série d’événements organisés dès les années 1970. Non seulement les fêtes et parades permettent-elles aux gens d’incarner le personnage de leur choix, mais elles offrent aussi un lieu où le travestissement est accepté. Parlez-en aux drag queens!
Manèges et maisons hantées
L’arrivée en 1983 de la première boutique consacrée entièrement à la fête lance la mode des décorations élaborées et, surtout, des parcours de maisons hantées. Aujourd’hui surnommés haunters, ces maniaques d’Halloween qui deviennent les stars du quartier atteignent parfois une popularité insoupçonnée. Précurseur du mouvement, Bob Burns a atteint la notoriété en décorant sa maison de San Francisco chaque Halloween, de 1967 à sa mort, suivant un thème cinématique comme Frankenstein’s Lab, Alien ou The Thing.
L’enthousiasme des décorateurs et, surtout, des visiteurs, met la puce à l’oreille d’un certain Walt Disney, qui consacre dix ans à l’élaboration d’un manège inauguré à Disneyland en 1969: le Haunted Mansion. Cette attraction devient un modèle lucratif repris à travers le monde avec des événements saisonniers comme celui de Knott’s Berry Farm ou des parcs thématiques comme Spookyworld; au Québec, pensons à La Ronde et à Malefycia, ce dernier ne s’adressant nullement aux enfants. Les maisons et parcours hantés sont très populaires auprès des adultes et des adolescents, comme le capitalise Universal Studios à Orlando en collaborant avec l’auteur Clive Barker pour Freakz en 1998. Les activités sont de plus en plus immersives, influencées par l’atmosphère des jeux vidéo d’horreur pour adultes.
Le christianisme possède une relation trouble et assez fascinante avec les parcours de peur. Aux États-Unis, on retrouve encore aujourd’hui les Hell House, des événements paroissiaux qui mettent en scène des «péchés» avec l’intention de ramener les spectateurs dans le droit chemin. Y sont condamnées des «transgressions» comme l’avortement, l’alcool ou le mariage entre personnes du même sexe.
D’où vient le lien avec la culture d’horreur?
Outre les croyances qui l’entourent, nous pouvons remonter le lien entre horreur et Halloween à quelques œuvres littéraires influentes comme The Black Cat d’Edgar Allan Poe (1843) qui, même si elle ne fait aucune allusion aux festivités, y est aujourd’hui grandement associée et solidifie la réputation du chat noir comme créature surnaturelle. Avec Young Goodman Brown (1865), Nathaniel Hawthorne fait allusion à Halloween sans la nommer et déploie une intrigue qui se déroule autour de la dette collective des Américains pour la tragédie de Salem, aujourd’hui la Mecque du 31 octobre. Puis, tel que mentionné ci-haut, Washington Irving fait de la citrouille un incontournable là pour rester. Halloween poursuit sa progression dans la littérature et atteint un sommet en 1972 avec The Halloween Tree de Ray Bradbury. Quant à la littérature pour enfants, elle s’empare du sujet dès 1888. S’il faut retenir une seule œuvre déterminante, ce serait It’s the Great Pumpkin, Charlie Brown (1967), un an après le spécial télévisé.
Orson Wells cimente le lien sacré entre peur et Halloween en 1938, quand sa célèbre émission spéciale dramatique War of the Worlds est diffusée et provoque l’hystérie le 30 octobre. Malgré quelques spéciaux comme Betty Boop’s Hallowe’en Party (1933), la fête tarde à intervenir à l’écran jusqu’à ce que, vous l’avez deviné, John Carpenter crée une commotion avec Halloween en 1978, qui se fait non seulement précurseur des slashers, mais aussi des films d’horreur thématiques comme Halloween III: Season of the Witch et Trick r’ Treat (2007). Halloween ne fait pas seulement peur: dans d’autres films déterminants dont E.T.: The Extraterrestrial (1982), elle évoque l’enfance et la nostalgie, comme elle l’avait fait avec des dessins animés tels que Trick or Treat (1952) et The Adventures of Ichabod and Mr Toad (1949). En 1993, Tim Burton’s The Nightmare on Christmas s’associe fermement à la fête, en plus d’incorporer de nouvelles chansons au répertoire de musique d’Halloween, dont les pièces les plus mémorables demeurent à ce jour Thriller et Monster Mash.
Enfin, les séries télévisées nous ont habitués aux spéciaux d’Halloween, devenus une tradition. Nombreuses sont celles qui possèdent au moins un épisode spécial: Star Trek, Roseanne, Buffy the Vampire Slayer, Friends… et on ne saurait passer à côté des Treehouse of Horror des Simpsons!
L’enquête se poursuit
Poursuivez l’exploration avec ces suggestions de références et de divertissements:
Films, séries et documentaires
- Haunters: The Art of the Scare (Jon Schnitzer, 2017): documentaire sur les décorateurs enthousiastes de maisons hantées.
- Halloween: 25 Years of Terror (Stefan Hutchinson, 2006): rétrospective sur la franchise de John Carpenter.
- Ghostwatch (Stephen Volk, 1992): faux reportage de la BBC diffusé la nuit d’Halloween qui raconte une histoire d’hantise qui tourne au vinaigre.
Ouvrages
- Morton, Lisa. 2012. Trick or Treat: A History of Halloween. Reaktion Books. Londres, Angleterre: référence abondamment consultée par la rédactrice de cet article.
- Bradbury, Ray. 1972. The Halloween Tree. Alfred A. Knopf. New York, États-Unis: récit culte d’un auteur qui se passe d’introduction.
- Samhain: Rituals, Recipes & Lore for Halloween. 2015. Llewellyn, collection Llewellyn’s Sabbat Essentials. Woddbury, États-Unis: court guide pour célébrer Samhain; parfait pour les initiés à la Wicca ou à toutes autres religions ou pratiques liées au culte de la nature.
Musique
- «Monster Mash»: chanson de Boris Pickett parue en 1962 et depuis passée à l’histoire. Écoutez aussi la version des Misfits!
- October Rust, Type O Negative: album de doom metal associé à l’automne. Si ça vous plaît, ne manquez pas d’écouter la pièce «All Hallows’ Eve» de l’album World Coming Down.
- «Halloween», pièce du groupe Helloween sur l’album Keeper of the Seven Keys I: une chanson enlevante entièrement dédiée à la fête par un groupe de power metal allemand.
- Chilling, Thrilling Sounds of the Haunted House: album paru par Disney en 1964. Potentiellement le premier entièrement consacré aux sons «épeurants».
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