En 2017, le film estonien November nous a appris ce qu’était un kratt: une créature composée de foin et de vieux objets que le diable transforme en esclave animé en échange de trois gouttes de sang. En plus de voler les biens d’autrui pour son maître, le kratt exige de travailler constamment, sous peine de s’insurger violemment contre son créateur. Lorsqu’on veut s’en débarrasser, il faut lui assigner une tâche impossible à exécuter.
Dans Kratt de Rasmus Merivoo (Buratino, Son of Pinocchio), des ados frustrés de passer l’été à la campagne décide de bâtir une telle créature pour répondre aux tâches ennuyantes que leur distribue leur grand-mère (adorable Mari Lill). Lors de l’opération catastrophique, le corps de mamie est greffé à celui du robot. Les enfants dans le pétrin sont aux prises avec une grand-mère infatigable qui carbure au travail… et à la violence.
Kratt suit le cliché moralisateur et simpliste de morveux urbains qui ne pensent qu’à eux et à leur téléphone, sans respect pour la tradition et les simples bonheurs du quotidien. Les jeunes sont d’ailleurs si détachés de la réalité qu’on se demande quelle est la dernière fois que les scénaristes en ont côtoyés. Ajoutez au tout des blagues faciles et des acteurs de peu de talent, et voilà un film qui fait dire, tout simplement: «Thank you, next!».
Kratt s’adresse avant tout au public d’Estonie et/ou d’autres pays d’Europe du Nord. Le spectateur québécois a donc l’impression de manquer plusieurs blagues et références. Il n’y a pas de doute, Merivoo aborde le choc de la tradition et du progrès (le potentiel du kratt comme instrument d’intelligence artificielle est abordé à plusieurs reprises), mais certains détails nous échappent. Y a-t-il critique de l’américanisation, par exemple? De la déforestation? Que penser de la cure détox suivie par les parents? Ou de cette scène où un homme nu est étendu, son pénis caché derrière un drapeau européen… Quel symbolisme se glisse entre nos doigts?
Cette perte de repères culturels ne poserait pas problème avec une œuvre supérieure, mais Kratt n’arrive simplement pas à soutenir l’attention du public. Au grand écran, le film susciterait peut-être plus d’intérêt. Mais à la maison, on a juste hâte de passer à autre chose.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.