Comment décrire Midnight in a Perfect World de Dodo Dayao, dont le précédent Violator a été acclamé? Dans un univers dystopique rapproché, des black-outs se produisent sans avertissement dans la ville de Manille. Les malchanceux qui se trouvent alors à l’extérieur disparaissent sans explication. Qu’est-ce qui se cache derrière ce régime de terreur: des forces surnaturelles, une présence extraterrestre, un gouvernement totalitaire? C’est ce que se demandent quatre amis lorsqu’une alerte soudaine les force à se barricader dans un refuge, dont la rumeur veut qu’il s’agisse en fait d’un piège tendu par les autorités. Survivront-ils à cette nuit d’enfer?
Diablement efficace, Midnight in a Perfect World prouve que le cinéma indépendant des Philippines (Ode to Nothing, Eerie) est à surveiller ces temps-ci. En jouant au funambule entre l’horreur et la science-fiction, Dayao et son équipe créent une atmosphère anxiogène qui dépend de peu d’artifices, s’articulant surtout autour d’une caméra «sur le vif» parfois étourdissante, d’une profonde noirceur qu’éclairent à l’occasion de faibles éclats de lumière, ou encore de l’effet des motifs obsédants du papier peint du refuge. Onirique, le film suggère bien plus qu’il n’en montre et fait fi des jump scares, s’appuyant d’une distribution dont chaque acteur se donne à 100%.
L’expérience prend une dimension encore plus angoissante et immersive avec des écouteurs ou un système de son multicanal. La conception sonore électrisante alterne les moments de silence et de surstimulation pour nous propulser dans un voyage auditif qui évoque la paranoïa. Pour tout dire, Midnight in a Perfect World est une machine à la mécanique quasi parfaite, dont la maîtrise technique ne fait que renforcer l’unique surréalisme d’un scénario dont on ignore facilement les lacunes.
Le marketing du film souligne l’inspiration de Phillip K. Dick, un auteur de science-fiction reconnu notamment pour la récurrence de thèmes sociaux et philosophiques comme la critique du totalitarisme ou encore l’exploration d’états de conscience altérés. Même si l’on cherche parfois à en démêler les symboles et les métaphores, le film nous terrifie avant tout par le faux sentiment de sécurité avec lequel il s’amuse.
Après tout, si l’on suit les règles imposées par le couvre-feu et qu’on se rend dans un refuge, il n’y a pas de danger, non? Non? Les règles sont arbitraires, leurs desseins inconnus: personne n’est en sûreté. Midnight in a Perfect World déstabilise le spectateur parce qu’il lui rappelle de rester sur ses gardes et de ne rien prendre pour acquis.
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