Dans l’Angleterre suivant la deuxième guerre mondiale, les Ayres luttent pour entretenir le manoir familial, Hundreds Hall. La vieille demeure n’amène pas que des ennuis financiers à cette famille noble mais ruinée, mais aussi d’autres d’un genre infiniment plus inquiétant. C’est qu’il n’y a pas que des souvenirs, à Hundreds Hall. Il y a des fantômes, aussi.
C’est au rythme lent du narrateur, le médecin de la famille, que le lecteur apprend à connaître et à apprécier les habitants de Hundreds Hall, la famille autant que les domestiques. À vrai dire, à bien des égards, The Little Stranger tient énormément de la fresque familiale. Le lecteur moins expérimenté, ou simplement trop impatient, pourrait d’ailleurs facilement se laisser décourager. Le livre est épais, très épais, et ses six cents pages pèsent lourd entre les mains, comme un vieux grimoire. Le rythme y est également très lent, et il faut attendre la page cent quatre-vingt cinq pour qu’il commence à être question de fantômes. Et encore, il s’agit de bien timides manifestations! Il faut avoir dépassé la première moitié du bouquin pour que les esprits se fassent plus envahissants.
Le tout est mené de main de maître par la prose fluide de Sarah Waters, admirablement bien traduite de l’anglais par Alain Defossé. Dans un style qui rappelle parfois Henry James, l’auteure est aussi à l’aise avec les dialogues que les descriptions. Le manoir est décrit avec précision et on finit par en connaître les pièces aussi bien que si on avait un plan devant soi.
Au final, que reste-t-il de The Little Stranger? Un excellent roman, il faut en convenir, rédigée par une auteure dont le talent est indéniable. Pourtant, malgré tout le plaisir pris à la lecture, vous en sortirez peut-être légèrement déçu. C’est que, si les personnages sont profonds, les descriptions limpides et l’intrigue captivante, le livre ne laisse pas autant de place au fantastique qu’il aurait pu. Entre chaque manifestation spectrale, un silence de plusieurs chapitres créent une attente qui n’est pas toujours satisfaite. Heureusement, les scènes qui font peur le font vraiment. Attendez de voir celle de la nurserie!
Pourtant, malgré ce détail, l’ensemble demeure saisissant. Pas surprenant que le Times, le Daily Telegraph et le Washington Post, pour ne nommer que ceux-là, lui aient réservé un chaleureux accueil. Des auteurs comme Stephen King et Tracy Chevalier n’ont d’ailleurs pas tari d’éloges à son égard! C’est du grand roman, sans aucun doute, dont on a hâte de voir l’adaptation cinématographique en août 2018 — par Lenny Abrahamson (Room), en plus!
Si vous avez comme projet de vacances d’aller visiter des châteaux gothiques en Europe, The Little Stranger est le livre que vous devez glisser dans votre valise… ou pas, si vous avez envie de vous reposer!
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