Lorsque Tracy est expulsée de l’école après s’être bagarrée, son père la punit de la pire manière qui soit: elle n’a plus le droit d’aller dans la forêt immense qui borde leur résidence isolée de l’Alaska, ni celui de faire du traineau à chiens. Pour l’adolescente de dix-sept ans, il n’y a rien de plus dévastateur. Fille de musher, elle avait l’intention de participer à deux courses de traineau cette année. Et si elle se rend si souvent dans la forêt, c’est par nécessité: Tracy a besoin de boire le sang d’animaux pour rester en forme.
Sa mère possédait cette même soif de sang, dont les hommes de la famille sont mystérieusement épargnés, mais elle avait cessé de s’abreuver, ce qui explique peut-être pourquoi elle avait l’air si faible et malade dans les semaines précédant sa mort tragique. Lorsque Tracy poignarde un étranger qui l’attaque dans les bois, brisant ainsi la promesse faite à sa mère ne jamais faire couler le sang d’un autre humain, elle est dévastée. Tandis qu’elle essaie de se souvenir de ce qui s’est passé et que son désir de boire le sang d’un humain redouble, la découverte d’un sac rempli d’argent et l’arrivée d’un nouveau garçon de ferme l’entrainent dans une spirale de désir et de paranoia.
Très lent, avec énormément d’emphase sur l’ambiance et des descriptions contemplatives de la vie sauvage en Alaska (froide et hostile, mais majestueuse et étrangement réconfortante),The Wild Inside de Jamey Bradbury risque de déplaire aux lecteurs impatients. Ceux qui n’aiment pas les non-dits n’y prendront pas plaisir non plus, tandis que les autres seront séduits par le mystère qui plane. Non seulement Tracy n’est pas une narratrice fiable (ses souvenirs sont flous, elle se laisse facilement distraire, elle s’absente souvent de la maison), mais l’auteure demeure silencieuse sur la nature de son «vampirisme». Les guillemets sont nécessaires ici puisque non seulement le mot n’est jamais mentionné, mais les caractéristiques de sa condition ne correspondent pas à celle du mythe de Dracula. Tracy peut manger de la nourriture normale et aller au soleil, l’ail et les artéfacts religieux ne l’affectent pas… Quand elle boit du sang, elle établit une connexion télépathique avec sa victime et peut explorer ses souvenirs, qu’il s’agisse d’un humain ou d’un écureuil. Et même si elle se nourrit des animaux qu’elle piège, elle est profondément attachée à ses chiens de traineau et ne leur ferait jamais du mal.
À l’image de son personnage principal, ce premier roman de Jamey Bradbury est une créature étrange. À la fois récit d’horreur, coming-of-age, thriller et intrigue amoureuse, il nous exaspère parfois mais nous garde toujours sur nos gardes, alerte, incapable de prévoir ce qui nous attend. Pour traduire le manque d’éducation de la narratrice, l’auteure utilise un anglais imparfait et familier: should of au lieu de should have, you was au lieu de you were, etc. Les dialogues sont fondus au reste du texte, sans tiret ni guillemets, de sorte qu’on ne s’éloigne jamais de ses pensées instables et décousues. Le lecteur n’a jamais droit à un second regard sur les événements, et, avec une narratrice si impulsive, peut en toute légitimité douter de leur justesse.
The Wild Inside sera publié aux éditions Harper Collins le 20 mars 2018.
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