les choix de raphael boivin fournier 2019

[Le meilleur de l’horreur 2019] Les choix de Raphaël Boivin-Fournier

Difficile de deviner, avec si peu de recul, comment l’année 2019 sera perçue à travers le prisme du cinéma d’horreur des années 2010. Année de transition peut-être avec de plus en plus de films issus de petits studios qui réussissent à être rentables grâce à la vidéo sur demande et les plateformes de «streaming»? Les films de franchises ne sont pourtant pas en reste. Avec les Doctor SleepIt: Chapter 2 et autres Annabelle Comes Home qui remplissent les salles obscures, il serait un peu hasardeux de déclarer la suprématie de l’internet au niveau du cinéma de genre, mais on peut quand même apprécier le fait que de plus en plus de petits films trouvent leur public sans avoir de gros distributeurs derrière eux. Sinon, au niveau des thématiques, si 2018 était l’année de la famille, 2019 est probablement celle de la lutte des classes. Que l’on pense à Parasite, Us ou encore The Dead Don’t Die, nombreux sont les films qui incorporent ce thème à leur intrigue et qui ont su faire parler d’eux cette année.

Pour ma part, 2019 aura été une année cinéma assez champ gauche. En effet, je dois admettre que beaucoup de films qui sont perçus comme des chefs-d’oeuvre par la critique me laissent totalement de marbre. Bien qu’appréciant les films plus lents aux intrigues peu traditionnelles, je dois admettre, par exemple, que j’ai trouvé Midsommar extrêmement prétentieux, faussement intellectuel et sans saveur. Mémorable uniquement parce que la réaction de ceux qui le regardaient avec moi en salle était franchement hilarante, le dernier Ari Aster et l’enthousiasme majeur qu’il a suscité sont, pour moi, une énigme. Par ailleurs, je suis prêt à débattre avec tous ceux qui rétorqueront que je n’ai pas compris le film. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour analyser la mise en scène d’un long-métrage comme celui-là. Des caméras qui tournent à l’envers et des changements d’étalonnage ne sont pas des outils de réalisations si obscures et profonds que ça et les thématiques du deuil, de la famille et de la religion ont été développés beaucoup plus habilement dans d’autres films. Dans tous les cas, assez dit sur ce sujet, passons à mon top 10:

10- In the Tall Grass de Vincenzo Natali

On commence tranquillement avec une production qui a divisé pour de bonnes raisons. Oui, In the Tall Grass a des défauts, notamment au niveau de sa structure. La sauce s’étire un brin. Cela dit, là où il est bon, le film de Vincenzo Natali est vraiment bon. L’ambiance est angoissante au possible, la photographie rend les images mémorables et les acteurs offrent tous de très bonnes performances. Le seul Netflix de cette année qui, selon moi, a un quelconque intérêt.

in the tall grass

9- Boar de Chris Sun

Pour moi, un top de fin d’année inclut forcément quelques petits films fauchés de série B. Mon amour pour les mélanges de tons et les prémisses improbables m’amène forcément à prendre plaisir devant des projets indépendants et plus nichés que ce qui peut sortir dans de grands studios. Distribué par Shudder, Boar est un parfait exemple de ces petits films suintant l’authenticité et l’envie de bien faire que l’on peut être amené à découvrir grâce à la dématérialisation. Pas très original, mais drôle, sanglant et mémorable à souhait grâce à son monstre et à ses personnages aux gueules et aux carrures qui restent en tête.

boar

8- Zombieland: Double Tap de Ruben Fleischer

J’avais exactement le bon âge et était exactement dans le bon état d’esprit quand je suis allé voir Zombieland au cinéma il y a dix ans. En fin d’adolescence et en pleine phase de films de zombies, j’avais été bien marqué par ce titre à la fois drôle et improbablement touchant par moments. Retrouver ces personnages dix ans plus tard pour une suite que personne n’attendait a donc été une belle expérience de cinéma qui me restera en mémoire. En plus, le film est très intéressant, traite bien la psychologie de ses protagonistes et n’a pas à pâlir devant son prédécesseur au niveau des gags. Reste à voir si on reverra Talahasse, Columbus, Wichita et Little Rock en 2029.

Zombieland double tap

7- The Dead Don’t Die de Jim Jarmusch

On continue dans le genre du zombies avec le film d’horreur au casting le plus potentiellement oscarisé de la décennie. Satire sociale à l’humour efficace, The Dead Don’t Die est un projet qui a fait relever le sourcil à plusieurs. Voir un cinéaste comme Jarmusch connu pour des films d’auteur gagnant des statuettes s’attaquer au cinéma de genre est, cependant, une belle surprise. Mémorable pour ses nombreuses scènes comiques et profondes ainsi que pour le personnage de l’ermite joué par Tom Waits qui agit comme un miroir du réalisateur. Un film un peu long, mais qui réussit à marquer.

the dead don’t die

6- Book of Monsters de Stewart Sparke

Quatrième film que j’inclus dans cette liste et je me rends compte qu’il s’agit de la quatrième comédie d’horreur. Pire, ce n’est pas la dernière. Peut-être que les films plus premier degré ne m’ont pas trop marqué cette année. Quoi qu’il en soit, Book of Monsters est, pour moi, une des pépites de la dernière année. Mettant en vedette un trio d’actrices attachantes et des effets réalisés en temps réel aux petits oignons, ce long-métrage passé inaperçu mérite vraiment qu’on s’y attarde pour peu que l’on apprécie l’hémoglobine, l’humour «over the top» et les bastons contre des créatures surnaturelles qui ne se prennent pas trop au sérieux.

Book of monsters

5- Horror Noire: A History of Black Horror de Xavier Burgin

Peut-être que le film peut être jugé un peu hors-concours puisqu’il s’agit d’un documentaire et non d’une fiction. Cependant, il n’en demeure pas moins que cette production Shudder est l’un des projets les plus intéressants de l’année en lien avec la sphère horrifique. Très complet dans le portrait qu’il brosse de la réalité de la représentation des afro-américains dans le cinéma de genre occidental et comportant des entrevues de plusieurs géants du milieu, le film de Xavier Burgin est un «must» pour tous les fans d’horreur qui se respectent.

Horreur Noire

4- The Banana Splits Movie de Danishka Esterhazy

La dernière vraie comédie d’horreur de ce top. Réalisée par celle qui nous a également offert cette année l’intéressant Level 16, ce long-métrage était, sur le papier, destiné à la catastrophe. Reprenant les personnages d’une émission pour enfant populaire afin de les réincarner en machines à tuer à une époque où tout l’internet refuse que l’on touche à sa nostalgie était, en effet, risqué. Qu’à cela ne tienne, Esterhazy nous offre un film drôle, gore et étonnamment original.

3- Crawl d’Alexandre Aja

Étant un grand fan de Sam Raimi et d’Alexandre Aja, il va sans dire que j’attendais ce film avec impatience. Le côté «jusqu’auboutiste» des deux cinéastes m’a toujours parlé et les voir collaborer sur un projet était une sorte de rêve pour moi. Crawl est, en terme d’épouvante «réaliste», probablement le meilleur film de cette année et trouverait même sa place sur un top de la décennie. Sans compromis et particulièrement stressant, il est à la hauteur de ses deux têtes pensantes, ce qui n’est pas peu dire.

Crawl

2- The Prodigy de Nicholas McCarthy

M’étant un brin injustement fait accusé d’avoir divulgâché une partie de l’intrigue dans ma critique, je m’abstiendrai de trop en dévoiler sur la prémisse de ce film. Bien que l’élément en cause soit mis de l’avant dans la bande-annonce et dans les dix premières minutes du film, il semble qu’il faille faire attention de nos jours. Cela dit, The Prodigy est un film particulièrement inventif dans sa mise en scène et ne serait-ce que pour ça, il mérite qu’on s’y attarde. Plusieurs plans sont mémorables grâce à des effets spéciaux réussis et une manière de filmer beaucoup plus intéressante que dans des films comme Midsommar.

The Prodigy

1- The Nightingale de Jennifer Kent

Ça ne doit pas surprendre ceux qui ont lu ma critique de ce nouveau long-métrage de la réalisatrice de The Babadook, mais ce film est clairement l’un des meilleurs de l’année. Campée dans la Tasmanie du 19e siècle, cette histoire forte qui mélange des thèmes comme celui de la vengeance, de la tolérance, du deuil et du féminisme dans une sorte de «rape and revenge» tourné comme un Werner Herzog est l’une des plus marquantes de l’année cinématographique 2019. Une honte qu’il n’ait pas eu droit à une sortie en salle en bonne et due forme au Québec.

The Nightingale

Mon coup de gueule!

Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile de Joe Berlinger

Surprise! Ce n’est pas Midsommar! En effet, bien que j’aime lui donner quelques tacles, le dernier Ari Aster est au moins honnête. Honnête dans sa volonté de faire un film prétentieux sur des thèmes mieux exploités dans d’autres long-métrages comme The Nightingale, mais tout de même honnête. Pour des raisons que je vais détailler, mon coup de gueule va plutôt à Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile, le «Bohemian Rhapsody» de Ted Bundy.

Ce film n’est rien de plus qu’une collection greatest hits des passages médiatisés de Bund, portée par un Zac Efron beaucoup trop glorifié par la caméra. Non, Ted Bundy n’était pas un beau jeune homme aux abdos saillants qui épatait tout le monde par son intelligence. C’était un psychopathe pas particulièrement séduisant qui était assez idiot pour croire qu’il pourrait se jouer du système de justice en se défendant seul malgré de sévères lacunes en droit. C’était un narcissique qui a tout avoué avant de mourir pour qu’on parle de lui comme une figure de légende. Le film de Joe Berlinger est exactement l’histoire que Bundy aurait voulu que l’on porte à l’écran. Franchement honteux, il n’a même pas la décence de faire preuve ne serait-ce qu’un semblant de sympathie pour toutes les femmes violées, mutilées et tuées par le psychopathe. Dans le contexte d’une histoire vraie et d’une figure aussi indubitablement minable que Ted Bundy, ce film n’aurait jamais dû exister sous cette forme.

Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile

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