Il y a 60 ans, neuf étudiants sont retrouvés morts dans l’Oural, en Russie. Ce qui pouvait ressembler de premier abord à un tragique incident de montagne tourne vite à l’horreur: les corps des randonneurs sont retrouvés à moitié nus, certains souffrant de fractures importantes, et une autre avec la langue et les yeux arrachés. Causes officielles de la mort: hypothermie et traumatisme physique provoqué par une force inconnue.
Depuis, le mystère de l’expédition menée par Igor Alekseyevich Dyatlov demeure irrésolu. Que s’est-il passé la nuit du 1er au 2 février 1959? De l’avalanche à la rencontre avec le Yeti local, en passant par l’hypothèse extraterrestre, les théories se multiplient. Cette première édition de la nouvelle chronique Explorateurs de l’étrange vous en présente quelques-unes.
Il y a plein de choses qui peuvent tourner au vinaigre lors d’une excursion de ski. Une tempête de neige. Une engelure. Une cheville foulée. Ou pire.
Lorsqu’une équipe de skieurs chevronnés est partie à la conquête des monts Oural en Russie, en 1959, elle se croyait prête à surmonter toutes les époques. Rien ne pouvait la préparer au mystère et à l’absurdité de la mort de tous ses membres dans des circonstances on ne peut plus bizarre.
Excursion mortelle en Russie
Reculons dans le temps. En février 1959, en pleine Guerre froide, Igor Dyatlov, un étudiant en ingénierie de 23 ans, mène un groupe de dix skieurs, lui compris, pour une “balade” de dix kilomètres. L’équipe est composée de huit hommes et deux femmes âgés de 20 à 37 ans, tous des randonneurs expérimentés qui, à leur retour, recevront une certification attestant leur compétence. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe documente autant son excursion avec des photographies et des journaux de bord.
À ce temps de l’année, la neige et le froid rendent l’excursion extrêmement difficile. L’équipe quitte le village de Vizhai le 27 janvier; le lendemain, Yuri Yefimovich Yudin doit quitter le groupe pour des raisons de santé. Selon les témoignages du jeune homme, âgé de 21 ans à l’époque, tous se portent bien à son départ.
Le 12 février, jour prévu de leurs retours, rien ne se passe. Comme les retards ne sont pas rares pour ce type d’expédition, ce n’est que le 20 février qu’une opération de secours impliquant l’armée est déclenchée. Six jours plus tard, on retrouve la tente du groupe à moitié défoncée et ensevelie de neige. Pour en sortir, ses occupants ont déchiré l’arrière de la toile, apparemment en panique. Qu’est-ce qui les empêchait de sortir par devant? Plusieurs traces de pas s’en éloignent; elles ont été laissés par des pieds nus ou vêtus uniquement de chaussettes.
Selon les journaux et appareils photo disséminés autour du campement, il semblerait que le groupe ait établi son campement sur un col après s’être trompé de direction en raison de fortes averses de neige, sans doute pour attendre que la météo se calme sans perdre l’altitude jusque là atteinte.
Une horrible découverte
À environ deux kilomètres de distance du campement, à l’orée d’une forêt, on retrouve les restes d’un feu de camp et les cadavres de Yuri Alexeyevich Krivonischenko et Yuri Nikolayevich Doroshenko (21 ans). Les deux jeunes hommes ne portent que leurs sous-vêtements et n’ont pas leurs chaussures. Les branches brisées d’un arbre suggèrent que l’un deux y serait grimpé, possiblement dans l’espoir de repérer la tente.
À 300, 480 et 620 mètres de l’arbre, on trouve les cadavres de Dyatlov, Zinaida Alekseevna Kolmogorova et Rustem Vladimirovich Slobodin, tous morts d’hypothermie. Un examen du crâne de Slobodin présente une fracture de source inconnue.
Les autres corps ne seront retrouvés qu’en mai, dans un ravin. Ceux-ci sont mieux vêtus que les autres, même si leur habillement possède peu de logique: Semen Alekseevich Zolotaryov porte le manteau de Lyudmila Alexandrovna Dubinina, dont l’un des pieds est enveloppé d’un morceau de tissu arraché aux pantalons de Krivonischenko. L’autopsie révèle que Zolotaryov, Dubinia et Nicolai Vladimirovich Thibeaux-Brignolles ont subi de graves et, selon toutes évidences, fatales fractures à la poitrine qui n’ont pourtant laissé aucune marque extérieure. La pression est si forte, maintient le médecin légiste, qu’aucun humain ne peut en être responsable.
Quant à Dubinia, il lui manque la langue, les yeux et un fragment de crâne, de même que des bouts de lèvres et de la peau au visage; elle a également subi de graves lacérations aux mains. Plusieurs maintiennent que ces mutilations seraient dues à la décomposition, mais la présence de sang coagulé dans son estomac indique qu’elle aurait été vivante quand sa langue aurait été arrachée.
Que s’est-il passé?
Difficile de dissocier le vrai du faux puisque les théories et les rumeurs abondent. Au fond, personne ne sait ce qui a terrifié les skieurs au point de les faire déchirer leur tente et sortir à moitié nu dans le froid, ni ce qui leur a fracturé la poitrine.
Certains croient que Dyatlov et son équipe auraient été victimes d’une mystérieuse arme secrète testée par l’Armée soviétique, une théorie nourrie par les témoignages de plusieurs individus qui rapportent avoir vu des sphères lumineuses dans la région du col au moment des accidents. Ces sphères semblent d’ailleurs avoir été photographiées par le groupe. De plus, les vêtements portés par Krivonischenko auraient été testés avec des niveaux de radiation très élevés.
D’autres pensent qu’une avalanche serait à blâmer, une théorie pourtant peu vraisemblable puisque ni le terrain ni les circonstances n’étaient propices à une telle catastrophe, et qu’aucun signe n’en a été enregistré. De plus, les cadavres n’étaient couverts que d’une fine couche de neige.
La présence de Semyon Alekseevich Zolotaryov a soulevé plusieurs questions. De loin le membre le plus âgé du groupe (le 2 février, jour de sa mort, marquait son trente-huitième anniversaire), il utilisait un nom d’emprunt (Sasha), s’était mérité quatre distinctions pour son service lors de la Seconde Guerre mondiale et s’est joint à Dyatlov à la dernière minute. Certains croient ses compagnons et lui auraient été éliminés par le KGB, mais pourquoi le KGB aurait-il laissé une scène de crime si mystérieuse?
Les cryptozoologistes et amateurs de paranormal croient à l’attaque d’une créature monstrueuse du même genre que le Yéti, ou même d’un Mink — un esprit de la forêt issu du folklore des Khantys, un peuple indigène de Russie. Certains croient même que le groupe aurait photographié la créature.
Enfin, une hypothèse populaire avance l’idée qu’une allée de tourbillons de Karman aurait entraîné des infrasons qui auraient déstabilisé l’équilibre mental des skieurs, en plus de causer plusieurs inconforts physiques. Ceux-ci auraient quitté leur campement en panique puis, une fois calmés, n’auraient pas réussi à le regagner. Les fractures à la poitrine seraient causées par leur chute dans le ravin.
Réouverture de l’enquête
Les conclusions de l’enquête criminelle menée par les autorités n’ont pas levé le mystère du col de Dyatlov. La mort des randonneurs a en effet été classée comme un «acte spontané de la nature». Cette zone d’ombre attise les curiosités et l’enquête se poursuit, non officiellement, à travers le travail de nombreux chercheurs.
En mai 2018, l’auteur anglais Keith McCloskey (auteur de plusieurs livre sur le sujet) a ouvert une collecte pour demander aux autorités russes la réouverture du dossier Dyatlov. Soixante années après la disparition des randonneurs, son souhait est exaucé: le procureur général de Russie vient d’annoncer que le dossier serait de nouveau examiné. Toutefois, c’est avec réserve et caution que les autorités s’exécuteront. Il ne s’agira pas d’explorer les 75 (!) théories qui ont été relevées, mais seulement trois d’entre elles, qui portent sur des phénomènes naturels. Le procureur a en effet précisé qu’il ne sera pas question d’une enquête criminelle puisqu’il n’y a «aucune preuve, même indirecte, qui favoriserait la version criminelle». Ce dernier penche en effet pour la théorie de l’avalanche ou de la tempête.
Les résultats de la nouvelle enquête sont à attendre dans les prochains moins. À suivre, donc.
L’enquête se poursuit
Poursuivez l’exploration du mystère du col Dyatlov avec ces suggestions de références et de divertissement qui inspirées du drame:
- Musique
- Sorni Nai, Kauan: un magnifique album de 56 minutes du groupe folk/doom/ambient metal russe Kauan, qui chante en russe et en finnois.
- 1959, Ellorsmith: un album thématique par le groupe de black/death metal originaire de Nouvelle-Écosse
- Jeu vidéo
- Kholat: le joueur suit les traces des skieurs dans ce jeu d’horreur de survie polonais.
- Livres
- Dead Mountain: The Untold True Story of the Dyatlov Pass Incident (Donnie Eichar)
- Death of Nine: The Dyatlov Pass Mystery (Launton Anderson)
- Mountain of the Dead. The Dyatlov Pass Incident (Keith McCloskey)
- Cinéma
- Devil’s Pass (Renny Harlin, 2013): ce drame d’horreur de 2013 n’a reçu pratiquement aucune attention.
- Podcast
- Astonishing Legends (épisodes 23 et 24): les hôtes explorent en profondeur les circonstances et les théories entourant l’accident lors de cet épisode double.
- Expérience immersive: plongez dans le mystère avec un magnifique documentaire interactif
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