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[Entrevue] Larry Fessenden réanime Frankenstein dans Depraved

C’est la semaine dernière que le roi du cinéma d’horreur indépendant Larry Fessenden présentait en première mondiale au What The Fest!? son dernier film Depraved, qui se veut une relecture du mythe de Frankenstein.

Horreur Québec a eu la chance de s’entretenir avec le cinéaste lors de son passage au festival new-yorkais:


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Horreur Québec: Tu as produit, monté, écrit et réalisé Depraved, en plus d’y jouer un caméo. Il n’y a rien à ton épreuve.

Larry Fessenden: La chose la plus difficile reste de trouver de l’argent. La réalisation, c’est quelque chose que j’adore. Il faut faire plusieurs choix. C’est un peu la même chose quand on fait le montage de ce qu’on a tourné. C’est ce que j’appelle une autre partie très émotive de ce voyage. Je dirais simplement que j’aime faire des films. Il reste que c’est une grande entreprise de trouver des fonds et de se faire distribuer par la suite.

Tu sais, personne ne voulait faire le film au départ. J’ai trouvé une compagnie à Chicago qui a finalement supporté ma vision. J’espère que le film est réussi, mais rien n’est terminé pour moi. Je dois convaincre quelqu’un de l’acheter. C’est une industrie où tout le monde croit mieux connaître et comprendre le marché que nous.

HQ: Étant toi-même acteur, n’as-tu pas eu envie de jouer un plus grand rôle dans le film?

LF: Il y a eu une version qui m’est venue à l’esprit où je jouais Polidori, le méchant du film. J’aime beaucoup ce personnage. Je n’ai jamais eu la chance de jouer un vilain comme ça. Il avait l’air amusant à incarner, mais mon âge ne correspondait aucunement à celui des personnages et j’ai eu la chance de trouver des acteurs adéquats pour les jouer.

Depraved Larry Fassenden

HQ: Le nom de ta créature est Adam. On peut penser à Adam et Ève, mais tu as la subtilité de glisser dans le film le poème Paradise Lost de John Milton, que Mary Shelley cite dans son roman. Milton nous donnait sa propre version d’Adam et Ève. Faut-il y voir une simple citation pour rappeler le roman de Shelley ou un indice de lecture?

LF: Les deux sans l’ombre d’un doute. Je voulais que ce texte de Milton soit dans les lectures de la créature pour qu’il se demande si on l’avait appelé Adam en référence à ce livre. Paradise Lost traite de l’aliénation du rejet que l’on peut ressentir. Ce n’est à l’écran que quelques secondes, mais je crois que ça peut être un guide de la lecture du film, comme tu le fais remarquer.

HQ: Tu as dit que les cicatrices de votre créature livraient une sorte de réservoir de références de tout ce qui avait été fait au cinéma sur Frankenstein. Laquelle de ces cicatrices as-tu le plus à cœur? Il doit bien y avoir une des représentations qui t’a hanté plus que les autres?

LF: Le maquillage de Karloff est celui que j’aime le plus. Mais on ne pourrait plus faire cela dans un contexte moderne, puisque la science a amené des nouveaux concepts. Les fêlures de la tête seraient moins crédibles. Je lui ai mis une cicatrice sur le front en référence et la plaque de métal qu’Adam a au poignet renvoie aussi à Karloff. Il a l’œil de Christopher Lee dans The Curse of Frankenstein. Il y a un grand nombre de films de la Hammer et même la version qui met en scène Robert De Niro, qui présentent la créature comme étant chauve, ce qui fait du sens.

HQ: Un peu comme James Whale l’a fait dans son film de 1931, tu as changé le nom de Victor pour celui d’Henry. C’est très amusant parce que plusieurs fans déplorent encore cet ajustement de Whale. Pourquoi as-tu fait ce changement?

LF: C’est une simple blague pour souligner ce choix ridicule. Comme tous les fans le mentionnent, pourquoi ont-ils fait ce changement de nom? (rires) C’est tellement stupide quand on y pense.

HQ: Certains cinéastes ont adapté Shelley en se concentrant sur le monstre, d’autres sur le savant. Ton film se concentre sur les deux. Pourquoi?

LF: Il y a l’histoire de cette créature isolée qui en vient à se demander d’où elle vient, mais il y aussi cette histoire d’ambition de créer quelque chose d’incroyable. Elles sont importantes au niveau de la mythologie de Frankenstein et je voulais montrer les différentes émotions ressenties par chacun.

HQ: Ton savant ne fuit pas le monstre après sa création et ne fait aucune dépression. Contrairement aux romans, c’est lui qui va enseigner à sa créature. Une grande partie du film montre carrément cette figure paternelle qui éduque sa progéniture. Il va aussi apprendre des autres personnages. C’est assez inusité comme relecture, puisque la créature apprend souvent par elle-même.

LF: Je voulais faire un film qui montrait ce que c’était d’être parent, ou un père. Je voulais aussi montrer que l’attitude d’un parent a une énorme influence sur ce que l’on peut devenir. La société devrait prendre ce rôle plus au sérieux, je crois. Je voulais aussi montrer qu’il y a différentes approches. Par exemple, Paladori lui propose un nouveau regard sur la moralité. Henry joue au ping pong de manière amicale avec le monstre et soudainement il se fâche. C’est la première friction qu’expérimente le monstre. La vie n’est pas toujours un jeu. L’éducation est très importante dans le film. La moralité s’enseigne.

YnoP c M

HQ: Il y a eu différentes séries de Frankenstein. Tu abordes très peu cette autre figure mythique qu’est la fiancée. Il y aurait beaucoup de potentiel pour faire une suite, mais pourrais-tu envisager que Depraved soit le premier film d’une nouvelle franchise?

LF: J’adore l’idée. Je ne sais pas si quelqu’un voudrait payer pour la voir se concrétiser. J’ai déjà réalisé une émission de télévision sur le sujet. J’aurais certainement plus à dire. D’une certaine manière, le personnage de Lucy a quelques similitudes avec les protagonistes de la vieille école et ses grands yeux me rappellent celle d’Elsa Manchester. Le personnage de Liz est aussi une sorte de référence.

HQ: Récemment, Scream Factory a fait paraître un coffret de tes films avec suppléments et une excellente qualité d’images. Quels sont tes impressions sur cet hommage qu’ils t’ont rendu?

LF: J’en suis très heureux. Tu sais il y a cette critique sur Amazon qui dit: «Pourquoi offrent-ils des coffrets de réalisateurs stupides?». (rires) Je suis très heureux de ce que Scream Factory a proposé de mon travail. J’aimerais pouvoir retravailler avec eux pour Depraved. L’assemblage qu’ils ont proposé de mes films ensemble fait comprendre, je crois, le sens de mon travail. Proposer les films d’un cinéaste ensembles peut certainement apporter une nouvelle approche. Je suis très triste que les médias physiques disparaissent. Je crois que les collectionneurs en raffolent. Quand on voit une série de jaquettes illustrées sur une page comme Netflix, j’ai l’impression qu’on perd énormément. Il y a une certaine cohésion à prendre un disque dans ses mains et le regarder avant le visionnement.

HQ: Penses-tu venir présenter Depraved à Fantasia?

LF : je l’ai soumis à Mitch. J’espère qu’il l’aimera! J’attends qu’il me donne son opinion.


Nous souhaitons au cinéaste de trouver un distributeur qui sera à la hauteur de son film, mais espérons aussi que les fans montréalais puissent découvrir le long-métrage lors du prochain festival de Fantasia. D’ici là, vous pouvez lire notre critique de Depraved.

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