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[Fantasia 2018] De Goblin à L’inferno: conversation avec le compositeur Maurizio Guarini

Événement rapidement affiché SOLD OUT lors du festival Fantasia, la projection en ciné-concert de L’Inferno restera sans aucun doute l’un des moments forts de l’année. Qui de mieux pour proposer la nouvelle piste musicale d’un film vieux de 107 ans que l’un des membres du groupe culte Goblin, Maurizio Guarini?

Horreur Québec a pu se glisser dans l’agenda du musicien pour lui poser quelques questions:


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Horreur Québec: L’Inferno a été une grande source d’inspiration pour des générations de fans et de cinéastes. Comment ce film vous a-t-il marqué personnellement?

Maurizio Guarini: Je dois dire que bien que je connaissais l’existence de ce film, je ne l’avais jamais vu avant l’année dernière. Une université italienne présentait les travaux du poète Dante et voulaient organiser une projection du film [inspiré de l’oeuvre de l’auteur]. Il s’agit d’une très belle version restaurée par la Cineteca di Bologna. Bien que je n’avais jamais vu le film auparavant, le professeur m’a demandé: «Essaie de composer une trame sonore pour que l’on puisse projeter le film.»

J’ai donc regardé le film plusieurs fois et suis parvenu à composer une trame sonore faite pour le live; et plus spécifiquement, pour que je puisse avoir certains moments de liberté durant le concert.

Depuis, nous avons pu organiser un autre ciné-concert à Toronto en automne; projection qui rencontra un certain succès. Ensuite, j’ai décidé d’emmener cette idée de ciné-concert ailleurs en Amérique du Nord pour cette année.

HQ: Pouvez-vous nous parler de votre processus de création? A-t-il changé depuis vos premières bandes originales avec Goblin?

MG: Pour ce qui est de L’Inferno, le processus fut un peu différent parce que la trame sonore n’était pas composée pour un film qui s’apprêtait à sortir. J’ai d’ailleurs observé que d’autres artistes avaient déjà travaillé sur des bandes originales dédiées au film. L’une d’entre elles fut composée par Tangerine Dream par exemple. Mais c’était essentiellement leur propre musique jouant par dessus une boucle du film… Autrement, beaucoup de ces trames sonores étaient plus du genre expérimental et je ne voulais personnellement pas aller dans cette direction et jouer avec des sons étranges… Puisque le film avait plus de 100 ans, j’ai préféré me diriger vers une musique de film plus classique.

Aussi, le processus de composition a changé puisque c’est une trame sonore qui devait pouvoir se jouer en live. J’ai réellement construit cette bande sonore en fonction de ce que je serais capable de faire en concert.

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HQ: Une grande partie des visuels de L’Inferno sont inspirés des gravures de Gustave Doré. Est-ce que ces gravures ou même les visuels du film vous ont influencé pour la composition?

MG: En ce qui me concerne, le moins d’informations je reçois d’un film, plus grande est ma liberté de création. Un film muet, ça laisse beaucoup de place à la musique puisqu’il faut remplir l’intégralité de la piste sonore. Lorsqu’un film a déjà de l’audio, il ne reste peut-être que 50% de cette piste à remplir.

Et comme L’Inferno est un film muet, les visuels étaient la principale chose qu’il me fallait considérer. Puisque c’est le premier long métrage de l’histoire du cinéma italien, les capacités et effets techniques étaient minimes à l’époque. Beaucoup de ces effets étaient des surimpressions, rien de plus. Je n’ose imaginer les efforts qui ont été mis derrière tout ce travail! Mais ce qui m’a le plus fasciné visuellement, c’est de voir comment les gens bougeaient il y a 100 ans comparativement à aujourd’hui. Par exemple, leurs mouvements de mains: ils les bougent ensemble. Aujourd’hui, il les bougent comme ça [il mime des doigts pianotant sur un clavier] parce que nous sommes habitués aux ordinateurs. C’est vraiment très intéressant à observer. Donc, leurs mouvements, leurs visages… C’est un morceau d’histoire. Ces images m’ont permis de faire un saut dans le passé. L’impact de l’influence du film s’est faite là-dessus pour moi. C’est certain que j’aurais composé autrement si le film avait été plus moderne.

HQ: L’année passée, les festivaliers de Fantasia ont pu redécouvrir Suspiria dans la version restaurée de Synapse Entertainment. On pense certes à la qualité 4K de l’image, mais pouvoir écouter la bande son en 4.0 était aussi un bonbon dans la mesure où elle n’avait jamais été présentée ainsi depuis la sortie originale du film en 1977. Ça vous a fait quoi de réentendre votre travail présenté comme au premier jour, 40 ans après?

MG: Avec Goblin, nous avons recommencé à jouer ensemble en 2004. Nous avons donc retravaillé la bande originale de Suspiria pour le live. Les souvenirs commençaient donc déjà à resurgir à travers nos tournées. Mais voir cette restauration… les visuels déjà… Et le son! Il est puissant et fort… J’ai adoré cette restauration. Je l’ai vu l’an passé à London (Ontario). C’est certain que de telles restaurations sont nécessaires pour ce genre de films et ils ont fait un travail extraordinaire. Si vous voulez ma note sur 10, pour moi c’est un 10/10!

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HQ: C’était un grand moment du festival cette année-là. Tout le monde attendait la projection avec impatience. C’est très particulier de se dire que l’une des projections les plus attendues était celle d’un film de 1977. Comment arrivez-vous à concevoir l’idée que l’une de vos création soit devenue culte?

MG: C’est une réponse vraiment difficile à donner. Ça fait seulement une quinzaine d’années que j’ai vu grandir cette appréciation pour ce genre de films et soundtracks. Nous étions totalement inconscients de ça. À l’époque, nous ne nous étions pas dit: «Ok, faisons une bande originale qui aura toujours du succès dans 40 ans.» Non, non… on pensait qu’elle serait oubliée l’année suivante. Nous sommes vraiment heureux de nous dire que nous représentons ce genre de son et ce genre de trame sonore du cinéma d’horreur. Nous sommes vraiment chanceux. Pour nous, cette évolution naturelle de la culture du cinéma d’horreur — sans doute grâce à Internet — est un véritable cadeau. Les gens ont eu vent de ce cinéma des années 1970, ils ont pu voir les films etc… Nous n’avions absolument pas conscience de tout ce processus.

À l’époque, nous étions spontanés dans notre création et nous n’avons pas du tout planifié ce succès. Nous étions jeunes, dans la vingtaine, très low-technology. Pouvez-vous imaginer ce qui se passe 40 ans plus tard lorsque nous voyons la réponse à notre travail? C’était incroyable pour nous!

HQ: Une dernière question: à quoi peuvent s’attendre les fans de votre travail et de celui de Goblin?

MG: Alors en ce qui concerne Goblin, nous travaillons sur un nouvel album. C’est une reprise de notre bande originale de Dawn of the Dead dans une version orchestrale. Il y aura aussi quelques morceaux de Suspiria… Le disque est quasiment terminé. Nous allons aussi donner un gros concert à Las Vegas en août. C’est dans un festival de rock et de métal alors nous allons faire face à un genre inhabituel de public.

En ce qui concerne mon travail en solo, j’ai terminé quelques projets qui sortiront bientôt. Il y en a un dont je ne peux pas vraiment parler pour le moment. Mais en gros, j’ai deux albums qui sortiront bientôt. J’espère les voir prêts cette année; ils sont en phase de mixage. De plus, je travaille sur différentes trames sonores ainsi qu’un projet de spoken word d’histoires d’horreur, essentiellement d’Edgar Allan Poe. Mais pour l’instant, le projet que j’ai le plus envie de pousser est ce ciné-concert de L’Inferno.

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