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Portrait de l’édition 2018 de Fantasia: entrevue avec le programmateur Ariel Esteban Cayer

À quelques jours à peine de l’inauguration de la cuvée 2018 de Fantasia, nous avons eu envie d’en connaître plus sur le festival, mais aussi d’aller chercher quelques pistes pour mieux choisir nos films. Horreur Québec a donc abusé de la générosité d’Ariel Esteban Cayer, programmateur de la section Camera Lucida, pour tenter de mettre en lumière cette prochaine édition.


Horreur Québec: Vous venez tout juste de lancer la programmation de l’édition 2018 de Fantasia et parmi ce corpus colossal, j’ai envie de vous demander lequel de tous ces films est celui dont l’équipe est le plus fière de présenter? Tout genre confondu?

Ariel Esteban Cayer: C’est une bonne question, parce qu’on a tous et chacun nos petits joujoux. Nous sommes immensément fiers d’avoir un film comme Mandy, qui est très attendu. Le nouveau film de Panos Cosmatos avec Nicolas Cage. Tales from the Hood 2 est aussi un gros coup. Je te dirais que chaque programmateur pourrait avoir une réponse différente pour ta question. On va tous chercher des films dans nos domaines d’expertise.

luz posterPersonnellement, le film d’horreur qui m’a le plus marqué cette année est un film qui s’appelle Luz. C’est un premier film d’un jeune réalisateur allemand qu’on a découvert cette année au festival de Berlin. C’est un long-métrage complètement hallucinant. C’est un film de possession démoniaque tourné en 16 mm, dans un poste de police. C’est très expérimental, à petit budget, mais ingénieux. Cela m’a tout de suite fait penser à du Lucio Fulci ou Andrzej Żuławski avec une touche de Rainer Werner Fassbinder. Il y a un look rétro au niveau de la pellicule, mais les personnages ont l’air tout droit sortis des années 1970. Ceci étant dit, ce n’est pas un «trip» rétro comme on en voit récemment. Ce long-métrage témoigne d’un immense talent et c’est un premier film. C’est un nouvel auteur qu’on y découvre et le film touche à tous les référents que les amateurs de cinéma d’horreur aiment.

HQ: Les cinéphiles attendent la programmation de leur côté, mais on aimerait vraiment savoir comment ça fonctionne de votre côté. On sait que chaque programmateur œuvre dans le genre duquel il est un expert, mais est-ce que chacun d’entre vous a un nombre de productions minimales ou maximales à soumettre, et comment départagez-vous la grille horaire en conséquent?

AEC: La grille horaire ne se construit qu’à la toute fin. On ne choisit pas nécessairement des films en fonction d’où on va les placer. Cela dit, on se fixe chaque année un nombre approximatif de films et entre nous, on se distribue la production. Que ce soit par distributeur, compagnie, ou territoire. Moi, par exemple, je travaille à la section Camera Lucida qui s’intéresse à des productions de genre un peu plus expérimentales, mais aussi des films difficiles à catégoriser ou qui jouent avec les codes, que ce soit de l’horreur ou autres genres. On a chacun nos films à aller chercher dans nos domaines. Il faut écouter beaucoup de films et voyager justement pour aller dénicher des perles. Il faut aussi faire notre choix parmi des productions qui sont disponibles pour nous. Il y a une énorme compétition entre les festivals et au Canada, nous avons celui de Toronto. Et le TIFF a lieu après nous, donc il faut essayer de jongler avec différents facteurs. On reçoit des films, il y a aussi certains titres dont on suit les productions.

HQ: Il y a des invités qui génèrent une sorte de frénésie des fans et qui deviennent pour des raisons de sécurité inaccessibles. Je pense à Robert Pattinson ou à Kevin Bacon. Est-ce que cette année, il y a un invité qui nécessite une préparation particulière?

AEC: Pattinson, c’était du jamais vu. Pas cette année, non. Les réalisateurs sont souvent plus accessibles que les acteurs. Nous avons cependant de grands noms encore une fois. Cependant, rien ne va amener le même souci de sécurité que pour une vedette comme ceux que tu mentionnes.

HQ: Tu abordes la compétition entre Toronto et Montréal pour l’obtention des films. Depuis quelques années, on a l’impression que Toronto s’impose aussi pour le genre, avec le Midnight Madness et le Afterdark. Est-ce que de votre côté, c’est plus dur qu’auparavant d’avoir les titres les plus attendus?

AEC: C’est toujours une question de première. Si un film a une première à Montréal, il ne pourra pas être au TIFF. Il faut comprendre que le TIFF, c’est un festival de catégorie A qui souhaite avoir des premières. C’est un jeu d’intérêt et de premières, je dirais. Nous avons bâti une réputation bien différente de la leur. Il y a aussi une question d’échéancier qui peut privilégier l’un ou l’autre des festivals. Généralement, on s’en sort assez bien. De gros titres nous filent entre les doigts, mais nous en avons d’autres.

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HQ: Lors de la cuvée 2018, le festival a décidé de rendre hommage au cinéaste légendaire Joe Dante. Est-ce que la décision était unanime et savez-vous comment ça s’est déroulé lorsqu’on lui a appris qu’on souhaitait l’inviter à cet effet?

AEC: Ça s’est fait premièrement parce qu’on attendait le film Nightmare Cinema depuis longtemps. Quand l’occasion s’est présenté d’avoir Joe Dante au festival, ce fut un choix évident pour nous tous. C’est un cinéaste légendaire qui méritait ce prix. Il est très content de venir au festival d’ailleurs.

HQ: On sait que Fantasia est plus qu’un festival de films. Il y a des événements phénoménaux cette année encore, dont un concert, des conférences et des prix honorifiques (Joe Dante et Yves Simoneau entre autres). Lequel parmi tous ces rassemblements risque d’être le plus intéressant du Festival?

AEC: En isoler un seul, c’est difficile. Mais la remise d’un prix honorifique à Joe Dante sera un grand moment à ne pas manquer.

HQ: Les séances de week-end, qui sont forcément les plus combles, comptent beaucoup de films plus tonitruants et colorés. En revanche, plusieurs petits films d’auteurs québécois indépendants n’ont droit qu’à une seule projection, dans la petite salle et en semaine. Est-ce que même à Fantasia, le cinéma d’auteur de genre québécois est plus dur à vendre que celui d’ailleurs?

AEC: Oui, étonnamment. Cela dépend des films, cela dit. C’est évident que l’attractivité d’un film est déterminée aussi par le film en question. Selon nos prédictions, on choisit une salle ou une grille horaire. Mais des productions québécoises indépendantes n’ont pas le même attrait en terme de box-office qu’un gros film américain. Cela ne dénigre pas la qualité de nos productions. Il y a peut-être aussi une question d’exclusivité. Le public est conscient que certains films d’ici pourront être accessibles, par la suite. Nous offrons un très bon tremplin à nos films, mais c’est le public qui décide.

HQ: Un festival est tributaire de la production annuelle. Avec la mode actuelle du cinéma de genre, les remakes, inavoués ou non, est-ce que la clientèle de Fantasia ne risque pas de se rajeunir? Est-ce que c’est plus facile de satisfaire les plus jeunes, ou est-ce qu’il est aussi simple de séduire ceux qui vous suivent depuis le début ?

AEC: On n’y réfléchit pas directement. Les programmes sont variés, mais on suit la production actuelle. Si on considère qu’un film est bon, on ne pense pas tant que ça à cela. Les films s’adressent à un public adulte, même s’ils semblent se destiner parfois aux jeunes adultes. L’attrait vers les plus jeunes s’est fait naturellement.

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HQ: En terminant, pour nous mettre un peu l’eau à la bouche, si je vous demandais:

  • Lequel des films que vous avez vu est le plus gore?

AEC: La restauration du film Body Melt risque de remporter la palme. Il y a le film d’exploitation Rondo qui a un côté très extrême et surprenant. On ne voit pas cela tous les jours. Piercing est très intense. C’est fascinant, différent et c’est une comédie d’horreur.

  •  Lequel serait votre coup de cœur dans votre section Camera Lucida?

Dans ma section, il y a beaucoup d’hybrides, mais Luz serait à ne pas manquer.

  • Lequel risque de devenir un vrai classique avec le temps?

Luz est à mes yeux un classique instantané. Cela fait des années que je n’ai pas vu un premier film abouti. Il y a un film en compétition qui s’appelle Relaxer, qui est un huis-clos dans un appartement. Le film est tourné par Joel Potrykus. Ce n’est pas directement de l’horreur, mais c’est un film étrange qui a un vrai potentiel culte.

  • Lequel est un film peut-être moins connu, mais vraiment à découvrir?

Nous avons le dernier film du cinéaste Nobuhiko Ôbayashi, Hanagatami, qui nous a offert le classique Hausu (House). Il est assez âgé et on l’a diagnostiqué d’un cancer de stade quatre l’an dernier. Alors qu’il se croyait mourant, il a puisé dans son premier scénario, écrit avant Hausu et il est retourné à son style des effets 1970. C’est vraiment agréable de voir un film comme ça en 2018. La bonne nouvelle, c’est qu’il tourne un autre film et qu’il est encore en vie.

HQ: Aurais-tu des commentaires à nous faire sur la programmation?

AEC: Je constate simplement qu’il y a plusieurs grands noms qui se risquent à faire quelque chose de différent de leur style habituel, cette année. C’est quand même incroyable de voir Frank Henenlotter œuvrer sur un documentaire!


Nous tenons à rappeler à nos lecteurs que l’édition 2018 de Fantasia aura lieu du 12 juillet au 1et août et que les billet seront en vente dès le samedi 7 juillet prochain. Consultez le site du Festival pour connaître la programmation complète et les horaires.

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